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ELMINA.

Peu à peu la querelle s’envenima et devint si violente que je le saisis un peu rudement à la gorge ! Je le poussai, il me poussa ! Je le repoussai, il me repoussa… et nous tombâmes tous les deux à la mer.

PAGANEL.

Et vous nageâtes ?…

ELMINA.

Oh ! par bonheur, le vent qui s’était engouffré dans mes jupes m’a soutenu sur les flots, et la marée montante me déposa sur la grève !

PAGANEL.

Alors vous surnageâtes ?…

ELMINA.

J’étais sauvée, monsieur…

PAGANEL.

Bravo ! mais Bobinet, ce malheureux Bobinet !… Glou, glou, glou !…

ELMINA.

Glou, glou !… Oui, monsieur !

PAGANEL.

Et alors ?

ELMINA.

Poursuivie par le remords… et la crainte d’être arrêtée… je rentrai à notre logis, et je me taillai un habit dans les vêtements de mon pauvre mari !… Cela m’allait très bien. Alors l’idée me vint de m’expatrier pour échapper à la justice, et je partis à bord d’un bâtiment…

PAGANEL.

En qualité de mousse ?

ELMINA.

Oui, monsieur… et voilà comment je me trouve au Chili !… Mais le remords me poursuit, hélas ! et je veux retourner en Écosse et me faire juger ! Je veux expier mon crime, si l’on me condamne… ou me marier à un autre, si je suis acquittée.

PAGANEL.

Le Duncan n’est pas près de retourner en Écosse, mais je puis vous faire donner par lord Glenarvan une lettre pour le capitaine de l’un des navires anglais qui se trouvent dans le port, et qui, sur sa demande, consentira à vous rapatrier.

ELMINA.

Ah ! monsieur, que de bonté !…