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FOGG, à part.

Un coup de feu, un seul et mes compagnons seraient ici !… (Se tournant vers les Indiens.) C’est toi qui es le chef ?

LE CHEF.

Oui, c’est moi ! Que veux-tu ?

FOGG.

Combien d’or te faut-il pour racheter la vie de ces deux femmes ?

LE CHEF.

Combien d’or te faut-il, à toi, pour rappeler à la vie ceux que les tiens ont tués ?

FOGG.

C’est donc une haine implacable que tu veux assouvir ?

LE CHEF.

Plus qu’une haine, une vengeance, et tout le sang de ta race maudite ne suffirait pas à l’éteindre !

FOGG.

Et c’est aux femmes que vous faites la guerre ?

LE CHEF.

La guerre… Ah ! nous savons comment vous la faites, vous autres ! Vous nous l’avez appris en nous déshéritant de nos prairies et de nos forêts, en nous chassant devant vous comme de vils troupeaux, et vous demandez pourquoi les Indiens vous haïssent ! Vous pouviez tout nous prendre, nos armes, nos moissons, notre vie ! C’était le droit de la guerre, et vous ne frappiez que nous seuls ; mais vous nous avez pris la terre qui nous a vus naître, la terre où sont enfouis les ossements de nos aïeux, la terre qui devait nourrir nos enfants ! Et le sol sacré de la patrie que l’on perd, c’est une plaie profonde que rien ne cicatrise, qui saigne à travers les âges, et qui dit à chaque génération nouvelle : Souviens-toi, souviens-toi !

FOGG, froidement.

Quand dois-je mourir ?

LE CHEF.

Tout à l’heure, lorsque l’ombre de cet arbre viendra effleurer cette place. (Il montre un endroit situé à quelques mètres de l’arbre.) Elle marquera à la fois le lieu et l’instant de ta mort !

AOUDA, à Fogg.

C’est là qu’il veut que nous mourions, parce que là fut tué son fils !