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LE CHEF, regardant Aouda et Néméa.

Ils seront bientôt vengés.

AOUDA.

Puisque vous avez résolu notre mort, pourquoi nous traîner si loin ?

NÉMÉA.

Voyez, nous sommes épuisées de fatigue et de froid.

LE CHEF.

C’est ici que vous devez mourir.

AOUDA.

Faut-il deux victimes à votre haine ? N’aurez-vous pas pitié de ma sœur ?…

NÉMÉA.

Non… le même sort à toutes deux ! Si vous êtes inflexible pour elle, ordonnez qu’on nous frappe ensemble !

LE CHEF.

Écoutez ! J’avais une femme et des enfants : les vôtres les ont tués !… De ma tribu, la plus nombreuse, la plus vaillante, il ne reste que ces rares guerriers ! Nous sommes poursuivis, chassés de ces prairies, que le grand Esprit avait semées pour nous ! Bientôt, le dernier des Paunies tombera sous les balles des envahisseurs !… Et vous demandez grâce !

AOUDA.

Grâce pour elle !

NÉMÉA.

Non ! non !

LE CHEF.

Les vôtres n’ont pas eu pitié de mon dernier enfant ! C’est en ce lieu qu’ils l’ont frappé… à l’heure où l’ombre de cet arbre se projetait là… et c’est là que périront tous ceux de votre race qui tomberont en notre pouvoir !

AOUDA, vivement.

Votre race ! mais nous ne sommes pas Américaines !

NÉMÉA.

C’est vrai, c’est bien vrai !… Nous sommes d’une contrée lointaine qui fut envahie comme la vôtre !…

AOUDA.

Et nos deux pays, frères par le malheur, devraient se secourir et ne pas s’égorger !