Page:Les voyages advantureux de Fernand Mendez Pinto.djvu/957

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
1019
de Fernand Mendez Pinto.

i’auois eſté faict eſclaue pour les ſeruices du Roy noſtre Maiſtre, & combien de fois auſſi mes marchandiſes m’auoient eſté volées, car ie m’imaginois que cela me ſuffiroit, afin qu’eſtãt de retour en mon pays, l’on ne me refusaſt point ce que ie croyois m’eſtre deu pour mes ſeruices : comme en effect le Vice-Roy me fit paſſer vn acte de toutes ces choſes, y adiouſtant les certificats que ie luy preſentay. Auec cela il me donna vne lettre addreſſée au Roy, dans laquelle il fit vne mention ſi honorable de moy & de mes ſeruices, que m’affiant en ces eſperances, fondé que le i’eſtois ſur des raiſons ſi apparentes que i’auois de mon coſté, ie m’embarquay pour m’en aller en ce Royaume de Portugal, ſi content des papiers que i’emportois auec moy, que c’eſtoit le meilleur de mon bien ; du moins ie le croyois ainſi, pour ce que ie me perſuadois que ie ne demanderois pas pluſtoſt recompenſe de tant de ſeruices, qu’aſſeurément elle me ſeroit octroyée. Sur cette eſperance m’eſtant mis ſur mer, il plût à noſtre Seigneur que i’arriuay à bon port en la ville de Lysbone le 28. iour de Septembre de l’année 1558. en vn temps auquel le Royaume eſtoit gouuerné par Madame Catherine noſtre Royne d’heureuſe memoire. Luy ayant donné la lettre que ie luy apportois de la part du Gouuerneur de l’Inde, ie luy dis de bouche tout ce qui me ſembla importer au bien de mon affaire, & alors elle me remit au Miniſtre de ſon Eſtat, qui auoit charge de traitter de ces affaires ; d’abord il me donna de bonnes paroles & des eſperances encore meilleures ; comme en effect ie les tenois pour fort aſſeurées, oyant ce qu’il me diſoit. Mais au lieu de m’en faire voir vn effect, il me garda ces miſerables papiers quatre ans & demy, à la fin deſquels ie n’en tiray pour tous fruicts que les trauaux & les ennuis que ie me treuuay auoir employez en ces ſollicitations inutiles, & qui m’apporterent bien plus de peine que toutes les fatigues que i’ay ſouffertes durant mes voyages ; ainſi voyant combien peu m’eſtoient profitables tous les ſeruices du paſſé, quelque requeſte que i’euſſe preſentée, ie reſolus de me retirer & de demeurer dans les termes de ma miſere que i’auois apportée auec moy, & acquiſe par le moyen de pluſieurs peines & infortunes, qui eſtoit tout ce qui me reſtoit du temps & des biens que i’auois employez au ſeruice de ce Royaume, laiſſant le iugement de ce procés à la Iuſtice diuine. Ie mis donc en execution ce mien deſſein, bien faſché de ne l’auoir faict pluſtoſt,