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de Fernand Mendez Pinto.

ſire, ſe ſeruant pour cet effet des meſmes moyens qu’il a cy deuant pratiquez, s’aydant à preſent de diuerſes nations eſtrangeres, qu’il ne ceſſe de retirer dans ſon Royaume. Or dautant qu’il luy importe grandement d’auoir le noſtre, pource qu’il l’empeſche plus que tout autre de mettre ſon deſſein en execution, il le veut vſurper ſur nous maintenant, en quoy ſon deſſein n’eſt autre que de ne bouger de ce deſtroit auec ſes armées, iuſqu’à ce (comme les ſiens meſmes ne feignent point de s’en vanter tout haut) qu’il vous puiſſe empeſcher le commerce des drogues de Banda & des Molucques, enſemble le commerce & la nauigation des mers de la Chine, de Sunda, de Borneo, de Timor, & du Iappon. Dequoy nous ſommes bien aſſeurez, pour l’auoir appris par l’accord qu’il a fait n’agueres auec le Turc, par l’entremiſe du Bacha du grand Caire, qui luy a fait eſperer qu’il l’aßiſteroit auec de grandes forces ; ioinct que vous le pouuez encore auoir appris par les lettres que ie vous ay renduës. Ie vous remets derechef en memoire la requeſte que ie vous fais aujourd’huy au nom de mon Roy : pour ce qui touche les ſeruices du voſtre, de la part duquel ie vous requiers encore vne fois, que puis qu’à preſent vous pouuez mettre remede au mal que vous voyez ſur le poinct d’eſtre conceu, vous l’effaciez promptement. Et ne ſert de rien que l’vn de vous s’en excuſe ſur ce que le temps de ſon Gouuernement s’en va finy, & que l’autre allegue pour ſa raiſon qu’il n’eſt point encore entré en charge, puis qu’il vous doit ſuffire de ſçauoir que tous deux eſtes eſgalement obligez de le faire.

Ayant finy ceſte harangue en forme de requeſte, qui pour lors ne luy fut en rien profitable, il ſe baiſſa contre terre, d’où il leua deux pierres, auec leſquelles il frapa ſur vne piece d’artillerie ; puis ayant preſque les larmes aux yeux, Le Seigneur qui nous a crées, adiouſta-il, nous deffendra s’il luy plaiſt. Il s’embarqua à meſme temps, & partit auec vn grand meſcontentement, pour la mauuaiſe reſponſe qu’il remportoit. Cinq iours apres ſon partement il fut dit à Pedro de Faria que l’on murmuroit ſourdement par la ville, à cauſe du peu de reſpect que luy, & Dom Eſtienne auoient teſmoigné à ce Roy ; combien qu’il fuſt leur amv, & des Portugais ; ioinct qu’il auoit rendu, de fort bons offices à la fortereſſe, pour le ſuiet de laquelle l’on prenoit maintenant ſon Royaume.