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de Fernand Mendez Pinto.




De ce qui nous arriua le lendemain que Gonzallo Vaz partit pour s’en aller à Goa.


Chapitre XI.



Ce meſme iour qui nous fut ſi funeſte à tous, l’on fiſt le dénombrement de nos ſoldats, pour ſçauoir combien il en eſtoit demeuré de morts en ce combat, en attaquant la tranchée ; nous treuuaſmes alors que de quatre-vingts que nous eſtions, il n’y en auoit que quinze de morts, cinquante quatre de bleſſez, & neuf d’eſtropiez pour toute leur vie. Tout le iour & la nuict d’apres, ceux qui eſtoient reſtés des noſtres ne ceſſerent de trauailler, & de faire bonne garde, pour euiter les ſurpriſes des ennemis. Le lendemain ſi toſt qu’il fut iour, vn Ambaſſadeur arriua de la part de la Royne d’Onor, qui s’en vint viſiter le Capitaine Gonzallo, auec vn grand preſent qu’il luy fiſt de poulles, de poullets, & d’œufs frais, pour ſoulager les malades. Mais bien que pour lors ces choſes nous fuſſent grandemẽt neceſſaires, ſi eſt-ce qu’au lieu de les receuoir, noſtre General les refuſa, & témoignant d’eſtre grandement faſché contre la Royne, il ne pût s’empeſcher de laſcher quelques paroles vn peu plus rudes qu’il ne ſembloit neceſſaire, diſant que le Vice-Roy ſeroit bien-toſt aduerty des mauuais offices qu’elle auoit rendus au Roy de Portugal, & combien il eſtoit obligé de luy payer ceſte debte, quand l’occaſion s’en preſenteroit. Qu’au reſte afin qu’elle fuſt plus aſſeurée de ce qu’il luy diſoit eſtre vray, il luy laiſſoit pour vn teſmoignage tres-aſſeuré de ſon dire, ſon fils mort & enſeuely dans ſes terres auec les autres Portugais, que par ſes pratiques elle auoit faict maſſacrer miſerablement, pour s’eſtre renduë fauorable au deſſein des Turcs ; en vn mot, qu’il la remercieroit vne autrefois plus amplement du preſent qu’elle luy enuoyoit, pour diſſimuler ce qu’elle auoit executé contre luy, dont il luy donneroit quelque iour vne recompenſe ſelon ſon mérite.