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Voyages Aduentureux




D’vn grand malheur qui arriua dans cette ville au fils du Roy de Bungo, & de l’extreme danger que ie courus pour cela.


Chapitre CXXXVI.



Vn peu apres le Roy me fit approcher de ſon lit, où il eſtoit detenu, & trauaillé des douleurs de la goutte. Comme ie fus prez de luy : ie te prie, me dit-il, de ne te point ennuyer de te tenir icy auprés de moy, pour ce que ie ſuis bien aiſe de te voir & de parler à toy, tu m’obligeras auſſi de me dire ſi en ton pays, qui eſt au bout du monde, tu n’as point appris quelque remede à ce mal dont ie ſuis eſtropié, ou au degouſt que ie ſents, pource qu’il y a tantoſt deux mois que ie ne puis manger aucune choſe. À quoy ie fis reſpõce, que ie ne faiſois point profeſſion de medecine, pour n’auoir iamais appris cette ſçiẽce, mais que de dans le Iunco où i’eſtois venu de la Chine il y auoit vn certain bois qui mis en infuſion dans l’eau gueriſſoit des maladies beaucoup plus grandes que celle dont il ſe plaignoit, & que s’il en prenoit il gueriroit aſſeurement, ce qu’il fut bien aiſe d’apprendre, tellement que tranſporté d’vn deſir extreme de ſe guerir il en enuoya chercher à Tanixumaa où eſtoit le Iunco, ſi bien qu’en ayant vſé 30. iours durant il fut parfaitement guery de cette maladie, qui depuis deux ans luy faiſoit garder le lit, ſans qu’il luy fuſt poſſible de bouger d’vne place, ny de remuer tant ſoit peu les bras. Or durant le temps que ie demeuray à mon grand contentement dans cette ville de Fuchée, qui fut de 20. iours, ie ne manquay pas de ſujets de me diuertir : car ores ie m’employois à reſpondre à diuerſes demandes que le Roy, la Royne, les Princes, & les Seigneurs me faiſoient, cõme gens qui ne penſoient pas qu’il y eut d’autre monde que le Iappon ; mais s’en m’amuſer icy à deduire en particulier ce dequoy ils m’interrogeoient, il me ſuiffira de dire, que i’y reſpondois facilement, à cauſe que les