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Voyages Aduentureux

gné de quantité de Nobleſſe veſtu richement, & faiſant marcher deuant luy ſes Huiſſiers auec leurs maſſes, priſt le Fingeandono par la main, & le regardant auec vn viſage fort ioyeux. Que ton entrée, luy dit-il, en cette Maiſon du Roy mon Seigneur, te puiſſe apporter autant de contentement & d’honneur que tes enfans en meritent, & que pour eſtre tiens ils ſoient dignes de s’aſſeoir à la table auec moy aux feſtes de l’année. À ces mots Fingeandono s’eſtant proſterné par terre, Ie ſupplie tres-humblement, Seigneur, reſpondit-il, ceux qui ſont là haut au Ciel qui t’ont appris à eſtre ſi courtois & ſi bon, ou de reſpondre pour moy, ou de me donner vne langue außi deſliée que les rayons du Soleil, pour te remercier auec vne muſique qui ſoit agreable à tes oreilles, du grand honneur qu’il te plaiſt me faire maintenant ; car ſi ie faiſois autrement ie ne pecherois pas moins que ces ingrats qui habitent dans l’eſtang le plus bas de la profonde & obſcure maiſon de fumée. Cela dit, il ſe ietta ſur le coutelas que ce ieune Prince auoit à ſon coſté en intention de le baiſer ; ce que luy ne voulut iamais permettre, mais le prenant par la main en la compagnie des Seigneurs qui eſtoient venus auecque luy, il le mena iuſques à la Chambre du Roy. L’ayant trouué au lit où il eſtoit malade, il fut receu auec vne autre nouuelle ceremonie, que ie ne ſuis pas d’aduis de rapporter icy, pource que l’Hiſtoire en ſeroit trop longue. Là deſſus ayãt leu la lettre que l’Ambaſſadeur luy auoit apportée de la part du Nautaquin, & s’eſtãt enquis de luy meſme de quelques nouvelles particularitez touchant ſa fille, il luy diſt qu’il m’appellaſt, pource qu’en ce tẽps là ie me tenois vn peu à l’eſcart. Luy s’en vint à moy incontinent, & me preſenta au Roy, qui me faiſant vn fort bon accueil, Ton arriuée, me dit-il, en ce mien pays ne m’eſt pas moins agreable que la pluye qui tombe du Ciel eſt vtile à nos campagnes ſemées de riz. Me trouuant aſſez embaraſſé par la nouueauté de ces termes, & de cette façon de ſaluer, ie ne luy fis aucune reſponſe pour le preſent ; ce qui fut cauſe que le Roy regardant les Seigneurs qui eſtoient autour de luy, Ie m’imagine, dit-il, que cet eſtranger s’eſtonne de voir icy tant de gens, ne l’ayant pas poſſible accouſtumé ; c’eſt pourquoy il me ſemble à propos de remettre cecy à vne autrefois qu’il ſera mieux appriuoiſé, & qu’il ne