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Voyages Aduentureux

tout eſtonné, & ſe tournant du coſté des ſiens qui eſtoient là preſents : Ie veux qu’on me tuë, leur dit-il, ſi ces gens icy ne ſont les Chienchicogis, dont il eſt eſcrit dans nos liures, que volant par le haut des eaux, ils ſubjugueront ſur elles les habitans de la terre, où Dieu a crée les richeſſes du monde, c’eſt pourquoy ce nous ſera vne bonne fortune, s’ils viennent en noſtre pays ſoubs le tiſtre de bons amis. Là dessus ayant appellé vne femme Lechia qu’il auoit prés de luy qui ſeruoit comme de truchement, ſi bien que par ſon moyen l’on pouuoit entendre les Capitaines Chinois Seigneurs du Iunco : Demande vn peu au Necoda, luy dit-il, où eſt-ce qu’il a trouué ces hõmes, ou ſoubs quel titre il les amene auec luy en noſtre pays du Iappon ? Le Capitaine luy repartit à cela, que nous eſtions marchands & gens de bien, & que nous ayant trouuez à Lampacau, où nous nous eſtions perdus, il nous auoit retirez afin de nous ayder de ſes aumoſnes, comme il auoit accouſtumé de faire aux autres qu’il rencontrait, afin que Dieu luy fiſt la grace à luy-meſme d’eſtre deliuré des impetueuſes tempeſtes par la violence deſquelles ceux qui nauigeoient eſtoient ſubjets à ſe perdre. Ces raiſons du Corsaire ſemblerent ſi bonnes au Nautaquin, qu’il entra tout auſſi-toſt dans le Iunco ; & parce que les gens de ſa ſuitte eſtoient en grand nombre, il commanda qu’il n’y euſt ſeulement que ceux qu’il nõmeroit qui entraſſent auec luy. Apres qu’il eut veu toutes les particularitez du Iunco, il s’aſſit en vne chaire prez du demy-pont, & commença de s’enquerir de nous de certaines choſes qu’il vouluſt ſçauoir. A quoy nous luy reſpondiſmes conformément à ce que nous iugions eſtre de ſon humeur, tellement qu’il nous teſmoigna d’en receuoir vn extreme contentement. En cet entretien il paſſa auec nous vne grande eſpace de temps, nous faiſant voir par toutes ſes demandes qu’il eſtoit homme fort curieux & enclin à ſçauoir des nouueautez. Cela fait il ſe ſepara d’auec nous & du Necoda Chinois ſans ſe ſoucier beaucoup des autres, diſant : venez moy voir demain à ma maiſon, & m’apportez pour preſent vne ample relation des nouuelles de ce grand monde, par où vous auez voyagé, enſemble des terres que vous auez veuës, & ſouuenez-vous par meſme moyen de me