Page:Les voyages advantureux de Fernand Mendez Pinto.djvu/51

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
33
de Fernand Mendez Pinto.

ceſte ſorte le contenu de cét Ambaſſade, enſemble les complimens que luy fiſt la Royne, & bien que ce fuſt la moindre choſe qu’il eſperoit d’elle, il le diſſimula neantmoins auec beaucoup de prudence : puis apres s’eſtre amplement inſtruit des gens du pays, de l’intention des Turcs, du lieu où ils eſtoient, & de ce qu’ils faiſoient alors, il penſa à ceſte affaire, puis l’ayant bien conſiderée, il traicta tout à loiſir de l’importance d’icelle, conformément à l’opinion de ceux auec qui il en auoit communiqué. Ainſi toutes choſes eſtant exactement balancées pour ſon honneur, pour conſeruer celuy de la banniere du Roy de Portugal, il attaqua la Galere, en intention de la prendre, ou du moins de faire tout ſon poſſible afin d’y mettre le feu, auec eſperance que Dieu pour qui nous combations, nous feroit à tous ſecourable contre ces ennemis de ſa ſaincte Foy. L’ayant ainſi arreſté, & fait ſigner de tous nous autres, il entra dans la riuiere enuirõ la portée de deux Fauconneaux. Là il eut à peine ancré, que voyla venir à bord de noſtre Fuſte vn petit bateau qu’ils nomment Almadia, qui s’en venoit de l’autre coſté de la riue, auec vn Brachmane qui parloit bon Portugais. Ceſtuy-cy fiſt à noſtre Capitaine vn meſſage de la part de la Royne, par lequel elle le prioit inſtamment, qu’en faueur du Vice-Roy il euſt à ſe deſiſter de l’entrepriſe qu’il auoit faicte, & de n’attaquer les Turcs en aucune façon que ce fuſt, ce qu’elle diſoit ne ſe pouuoir faire ſans vne trop grande temerité, comme ayant eſté aduertie par ſes eſpions, qu’ils s’eſtoient fortifiez d’vne bonne tranchée qu’ils auoient faicte prés du foſſé, dans lequel ils auoient mis la Galere, que cela eſtant il luy ſembloit auec raiſon qu’il luy falloit beaucoup plus de force quil n’en auoit, pour venir à bout d’vne ſi grande entrepriſe ; qu’au reſte elle prenoit Dieu à teſmoin du deſplaiſir que luy apportoit dans l’ame l’extréme apprehenſion qu’elle auoit qu’il ne luy arriuaſt quelque malheur. À ces paroles le Capitaine reſpondit en termes pleins de prudence & de courtoiſie, diſant qu’il baiſoit les mains à son Alteſſe, pour la grande faueur qu’elle luy faiſoit, & pour vn ſi bon aduis ; mais que touchant le combat des Turcs qu’il ne pouuoit