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de Fernand Mendez Pinto.

comme cette flotte eſtoit à l’ancre en vn lieu qui s’appelloit Cathebuſoy, voila qu’on vid s’éleuer ſur elle vne fort groſſe nuë, de laquelle ſe lançant quãtité d’eſclairs & de tonnerres, accompagnez d’vne groſſe rauine d’eau, dont les gouttes eſtoient ſi chaudes, que venant à tõber ſur ceux qui eſtoient endormis dans les vaiſſeaux, elle les contraignoit de ſe ietter dans la riuiere, ſi bien que par ce moyen ils y perirent tous en moins d’vne heure. Car l’on tient qu’vne ſeule goutte de cette pluye venant à cheoir ſur vn corps, le bruſloit de telle ſorte qu’elle penetroit iuſqu’au plus profond de l’os auec vne douleur inſupportable, ſans que les veſtemens ny les armes meſmes fuſſent capables d’y reſiſter. Alors la Nancaa prenant cela pour vn grand myſtere, receut cette faueur de la main du Seigneur auec vne grande abondance de larmes ; tellement qu’elle & les ſiens l’en remercierent infiniment. Cela fait, apres qu’elle-meſme, ſes trois enfans, & tous les autres de ſa ſuite ſe furent embarquez dans les trente Iangas de la flotte, ils s’en allerent à val la riuiere, ſi bien qu’emportez par le courant de l’eau, qui à leur faueur ſe redoubla (comme le raconte l’Hiſtoire) au bout de quarante-ſept iours ils arriuerent en ce meſme endroit où eſt maintenant baſtie la ville de Pequin. Là elle mit pied à terre auec tous les ſiens, en intention d’y eſtablir ſa demeure. Or pource qu’elle apprehendoit que le Tyran Silau, de qui elle auoit touſiours redouté les cruautez, ne s’en vinſt fondre ſur elle, l’on dit qu’en ce lieu elle ſe fortifia le mieux qu’elle pût auec des ſtaccades & des plattes formes qu’elles fit de pierres & de faſcines comme ie diray cy-apres.