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Voyages Aduentureux

vn autre ſemblable monſtre, qui eſt le ſecond des quatre que i’ay dit eſtre au carrefour en figure d’homme, qui a plus de cent pieds de haut, & les Chinois l’appellent Turcamparoo, & diſent qu’il eſt le fils de ce premier ſerpent ; outre qu’il eſtoit fort laid, il auoit ſes deux mains miſes en ſa gueule, qui la luy faiſoient de la largeur d’vne grande porte, auec vne rangée de dents horribles qui s’y voyoient, & vne langue fort noire qui en ſortoit de la longueur de plus de deux braſſes ; ce qui eſtoit encore vne choſe fort effroyable à ceux qui la regardoient, & qui faiſoit fremir le corps : Quant aux autres deux monſtres, l’vn eſtoit d’vne figure de femme, nommé des Chinois Nadelgau, de dix-ſept braſſe de hauteur, & ſix de groſſeur ; cettuy-cy au milieu de ſa ceinture auoit vn viſage fait à la proportion de ſon corps, de plus de deux braſſes, qui par les narines vomiſſoit de gros tourbillons de fumée, & par la gueule quantité d’eſtincelles de feu, non artificiel, mais veritable, à cauſe qu’à ce qu’ils diſent, au haut de la teſte l’on y faiſoit continuellement du feu, qui venoit à ſortir par la gueule de cette meſme face effroyable qu’il auoit au milieu de ſa ceinture. Par cette figure ces idolatres vouloient monſtrer qu’elle eſtoit la Royne de la ſphere du feu, qui ſelon leur creance doit bruſler la terre à la fin du monde. Le quatrieſme monſtre eſtoit vn homme accroupy, qui ſouffloit à toute force auec des ioües ſi grandes & ſi enflées, qu’il ſembloit que ce fût vne voile de Nauire. Ce monſtre eſtoit auſſi d’vne hauteur deſmeſurée, & d’vn viſage ſi affreux & ſi difforme, que ceux qui le regardoient en pouuoient à peine ſupporter la veuë. Les Chinois l’appelloient Vznguenaboo, & diſoient que c’eſtoit luy qui eſmouuoit les tempeſtes ſur la mer, & qui demoliſſoit les edifices ; à cauſe dequoy le peuple luy donnoit pluſieurs aumoſnes, afin qu’il ne luy fiſt aucun mal ; joint qu’il y en auoit pluſieurs qui s’enroolloient en ſa Confrairie, & qui luy donnoient vn maz d’argent par an, qui vaut ſix ſols & vn liard de noſtre monnoye, & ce afin qu’il ne leur ſubmergeaſt leurs Iuncos, & ne fiſt aucun mal à ceux des leurs qui n’auigeoient ſur mer ; j’obmets vne infinité d’autres abus que leur grand aueuglement leur fait croire, & qu’ils