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Voyages Aduentureux




Comme nous fuſmes renuoyez appellans en la ville de Pequin.


Chapitre LXXXVII.



Apres que nous euſmes paſſé toutes les aduerſitez, & tous les trauaux dont i’ay parlé cy-deuãt, nous nous embarquaſmes en la compagnie d’autres trente ou quarante priſonniers, qui eſtoient comme nous rẽuoyez de cette Chambre de Iuſtice, à cette autre ſouueraine par voye d’appel, pour y eſtre ou abſous, ou condamnez à mort, ſelon le crime par eux commis, & les peines qu’ils meritoient. Or vn iour auparauant noſtre partement, comme nous fuſmes embarquez dans vne Lanteaa, & attachez 3 à 3 à vne chaiſne fort longue qui nous eſtreignoit de tous coſtez ; ces deux Procureurs des pauures y arriuerent, & nous pouruoyant premierement de out ce qui nous faiſoit beſoin, comme de veſtemens & de viures, nous demanderẽt s’il nous falloit quelque choſe pour noſtre voyage ? A quoy ayant fait reſponſe, que Dieu ſçauoit bien comme quoy nous eſtions deſpourueus de tout, & que ſi nous ne leur auions point dit encore les grandes miſeres que nous endurions, ce n’auoit eſté que pour les prier alors de conuertir toute l’aumoſne qu’ils auoient à nous faire en vne lettre de faueur, qui s’addreſſaſt aux Officiers de cette ſainte Confrairie de la ville de Pequin, afin que cela les obligeaſt à vouloir maintenir noſtre bon droit, à cauſe (comme ils le ſçauoient tres-bien) que nous ne pouuions manquer d’eſtre abandonnez par tout ce pays, d’autant qu’il n’y auoit perſonne qui ſceuſt noſtre nom. Les deux Procureurs nous oyans parler de cette ſorte, Ne dites point cela, nous reſpondirent-ils, car bien que voſtre ignorance vous deſcharge enuers Dieu, ſi eſt-ce que vous ne laiſſez pas de commettre vn grand peché, pour ce que plus vous ſerez abbatus dans le monde pour eſtre pauures, & plus vous ſerez eſleuez deuant les yeux de ſa diuine Majeſté, ſi vous prenez,