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de Fernand Mendez Pinto.

ure maintenant, cela nous ſera vne obſtacle à nous acquitter entierement de noſtre deuoir. Nous ferons neantmoins ce que nous pourrons auec beaucoup de bonne volonté. Alors tous nuds comme nous eſtions, ils nous menerent par tout le village, qui pouuoit eſtre de quarante ou cinquante feux, plus ou moins, dont les habitans eſtoient fort pauures à ce que nous reconnuſmes, & ne viuoient que du trauail de leurs mains ; ils tirerent deux enuiron deux Taeis d’aumoſne en monnoye, vn demy ſac de riz, en peu de farine, des feves d’aricot, des oignons, & quelques meſchans haillons donc nous nous aydaſmes aſſez pauurement. Auec cela des deniers de ce meſme Hoſpital ils nous donnerent deux autres Taeis en argent. Au reſte pour ce que nous leur demandaſmes qu’ils nous fût permis de demeurer là, ils s’en excuſerent, diſant que les pauures n’y pouuoient eſtre d’ordinaire plus de trois iours, ou iuſqu’à cinq, ſi ce n’eſtoient des perſonnes malades, ou des femmes enceintes, à quoy l’on auoit eſgard particulierement, pour ce qu’en ces extremitez elles ne pouuoient marcher ſans ſe mettre en danger de leur vie. A quoy ils adjouſterent qu’en aucune façon que ce fuſt ils ne pouuoient rompre cette ordonnance, pour auoir eſté faite d’ancienneté par l’auis de quelque hommes religieux & ſçauans ; mais qu’à trois lieuës de là en vne grand ville qui ſe nommoit Sileyjacau, nous y trouuerions vn Hoſpital fort riche, où l’on retiroit toute ſorte de pauures gens, & que là nous ſerions beaucoup mieux penſez qu’en leur Maiſon, qui eſtoit fort pauure & petite, conformément au lieu de ſa ſituation. Qu’au reſte ils nous donneroient pour cét effet vne lettre de recommandation, ſignée par les Confreres, par le moyen de laquelle ils nous retireroient incontinent. Nous les remerciaſmes infiniement de ces bons offices, & leur diſmes qu’ils n’y perdroiẽt rien, puis qu’il les faiſoient pour l’amour de Dieu. Sur quoy vn vieillard qui eſtoit vn des quatre prenant la parole, C’eſt pour cette conſideration außi que nous le faiſons, nous reſpondit-il, & non pour celle du monde. Car Dieu & le monde ſont grandement differens en ce qui eſt des œuures & des intentions qu’on peut auoir en les faiſans. Car le monde,