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Voyages Aduentureux

uient des aumoſnes que les defuncts emportent de cette vie en l’autre, pour s’en ſeruir au beſoin dedans le Ciel de la Lune où ils viuent eternellement. Pour conclusion luy ayant demandé s’ils n’auoient aucunes femmes, il luy fit reſponce ; Que ceux qui vouloient donner la vie à leur ame, ne doiuent point gouſter les voluptez de la chair, puiſque l’eſpreuue faiſoit voir, que l’abeille qui ſe nourriſſoit dans vn doux rayon de miel, picquoit ſouuent de ſon aiguillon ceux qui mangeoient de cette douceur. Apres qu’Antonio de Faria luy eut fait toutes ces queſtions il priſt congé de luy, & en l’embraſſant il demanda pluſieurs fois pardon à la mode qu’ils appellent de Charachana. Cela fait, il s’en alla droit à ſes vaiſſeaux en intention de s’en retourner le lendemain attaquer les autres Hermitages, où ſelon les nouuelles qu’on luy en auoit dit, il y auoit vne grande quantité d’argent, & quelques Idoles d’or. Mais nos fautes nous empeſcherent de voir l’effet d’vne choſe que nous auions pourchaſſée depuis deux mois & demy auec tant de trauail & de dangers de nos vies, ſans que l’effet en fut conforme à noſtre deſir, comme ie diray cy-apres.




De ce qui nous arriua la nuit ſuiuante, & comment nous fuſmes deſcouuerts.


Chapitre LXXVIII.



Svr la fin du iour, Antonio de Faria s’eſtant embarqué & nous auec luy, nous nous en allaſmes à la rame ancrer de l’autre coſté de l’Iſle, loing de la portée d’vn fauconneau, auec deſſein, cõme i’ay deſia dit, que le lendemain ſi toſt qu’il ſeroit iour nous remettrions pied à terre, & nous en irions attaquer les Chappelles au deſſus deſquelles eſtoient enſeuelis les Rois de la Chine, d’où nous n’eſtions eſloignez que d’vn petit quart de lieuë, afin que par ce moyen nous puſſions charger nos deux vaiſſeaux de ſi grands threſors. Ce que poſſible eut reüſſi conformémẽt à noſtre deſſein, ſi nous