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Voyages Aduentureux

ſans eſtre veus de perſonne, ny ſans oüir aucun bruit, nous entraſmes dans l’Iſle par vne des huit aduenuës qu’il y auoit, & marchans par le milieu du petit bois d’orangers, nous arriuaſmes à la porte du premier Hermitage, qui pouuoit eſtre à deux portées de mouſquet du lieu où nous nous eſtions deſembarquez, & ce fut là qu’il nous arriua ce que ie diray cy-apres.




De ce qui advint à Antonio de Faria en vn des Hermitages de l’Iſle de Calempluy.


Chapitre LXXVI.



Antonio de Faria s’en allant droit à l’Hermitage qu’il voyoit deuant luy, auec le plus grand ſilence qu’il put, & non ſans auoir de l’apprehenſion pour ne ſçauoir encore en quel peril il s’alloit engager. Ainſi ayant tous à la bouche & au cœur le nom de Iesvs, nous arriuaſmes à vne petite place qui eſtoit deuant la porte, & iuſques là nous ne viſmes aucune perſonne. Comme Antonio de Faria marchoit deuant auec vn eſpadon à la main, en intention de pouſſer ſon entrepriſe iuſqu’à la fin, il arriua à la premiere porte qu’il trouua fermée au dedans. Alors il commanda à l’vn des Chinois qui eſtoient preſts de luy, qu’il euſt à heurter pour ſe faire ouurir, ce qu’il fit par deux ou trois fois, & à la derniere il oüiſt vne voix qui dit les paroles ſuiuantes, Loué ſoit le Creattur qui a eſmaillé la beauté des Cieux. Que celuy qui heurte à la porte faße le tour, & il trouuera ouuerte de l’autre coſté afin que ie ſçache ce qu’il deſire. Le Chinois fit incontinent le tour de l’Hermitage, où il ſe donna entrée par vne porte de derriere, puis s’en alla ouurir celle qu’il auoit laiſſée à Antonio de Faria, qui entra dedans auec ſes gens. Là il trouua vn bon vieillard, qui à le voir ſembloit aagé de plus de cent ans ; il eſtoit veſtu d’vne longue robbe de damas violet, & faiſoit bien iuger à ſa