Page:Les voyages advantureux de Fernand Mendez Pinto.djvu/272

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
254
Voyages Aduentureux

auoient plus de quatre braſſes de tour, & le muſeau comme vn beuf. Nous en viſmes auſſi d’autres ſemblables à de grãds lezards tous tachetés de verd & de noir, auec trois rangs d’eſpines ſur l’eſchine, fort pointuës, de la groſſeur d’vn fleche ; dequoy tout le reſte du corps eſtoit plein. Il eſt vray qu’elles n’eſtoit pas ſi longues ny ſi groſſes que les autres. Ces poiſſons ſe heriſſent de temps en temps comme des porcs-eſpis ; ce qui les rend fort eſpouuantables à voir, auec cela il ont le muſeau grandement pointu & noir, auec des crocs qui leur ſortent hors des machoires, de la longueur de deux pans que les Chinois appellent puchiſſucoens, qui reſſemblent aux deffences d’vn ſanglier ; là nous apperceuſmes encore vne autre ſorte de poiſſons qui ſont tels. Ils ont tous le corps extremement noir comme les chabots, & ſont ſi prodigieux & ſi grands, que leur teſte ſeule a plus ſix pãs de large lors qu’ils eſtendent leur najoire dans l’eau ils paroiſſent ronds d’vne braſſe de tour aux yeux de ceux qui les voyent. Ie paſſe icy ſous ſilence tout plein d’autres poiſſons de diuerſes ſortes que nous viſmes en ce lieu, pource que ie ne iuge point à propos de m’arreſter ſur vne choſe qui eſt hors de noſtre ſujet. Il me ſuffira de dire que durant deux nuits ſeulement que nous demeuraſmes en cét endroit, nous n’y creuſmes pas eſtre en aſſeurance à cauſe des lezards, baleines, poiſſons & ſerpens que nous y voyons de iour & de nuit, ioint que nous oyions en ce lieu vne ſi grande quantité de ſifflements, volemens, & hanniſſemens de cheuaux marins qui ſe voient le long de ce riuage, que les paroles ne peuuent ſuffir à les raconter. Eſtans ſortis de ce havre de Buxipalem, que les noſtres appellerent la riuiere des ſerpens, Similau fit voile par ſa meſme route plus de quinze lieuës par de là, en vne autre Baye beaucoup plus belle & plus profonde, qui s’appelloit Calidauco, faite en forme de croiſſant, qui auoit plus de ſix lieuës de circuit & eſtoit enuironnée de fort hautes montagnes & de bois grãdement eſpais, à trauers leſquels deſcendoient d’en haut pluſieurs ruiſſeaux d’eau douce, d’où ſe formoient quatre grandes & belles riuieres, qui entroient toutes dans cette Baye. Là Similau nous dit que tous ces animaux prodigieux, que