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de Fernand Mendez Pinto.

le faites, vous verrez combien profitable vous ſera voſtre peine. Ces langages calmerent vn peu l’eſprit d’Antonio de Faria, luy dit alors qu’il s’en allaſt à la bonne heure où il voudroit pour le mieux, ſans ſe mettre aucunement en peine du murmure des ſoldats dont il ſe plaignoit, adiouſtant que c’eſtoit la couſtume des hommes oiſifs de trouuer touſiours à redire aux actions d’autruy, & qu’ainſi il ne s’arreſtaſt point à leur proceder, dont ils ſe corrigeroient deſormais, ſinon qu’il les en ſçauroit fort bien chaſtier ; dequoy Similau demeura pour lors fort ſatisfait & content.




Continuation de ce qui arriua à Antonio de Faria, iuſqu’à ce qu’il euſt gagné la riuiere de Paatebenam, & de la reſolution qu’il y priſt touchant ſon voyage.


Chapitre LXXII.



Apres que nous fuſmes partis de ce havre nous fiſmes voile le long de la coſte plus de treize iours durant, touſiours à veuë de terre ; & arriuaſmes en fin en vn port nommé Buxipalem, à quarante neuf degrez de hauteur. Nous trouuaſmes ce climat vn peu plus froid que les autres, & y viſmes vne infinité de poiſſons & de ſerpens de ſi eſtranges formes que ie n’en puis parler ſans effroy. Dequoy le Similau dit à Antonio de Faria des choſes du tout incroyables, tant de ce qu’il y auoit veu, pour s’y eſtre autrefois trouué, comme de ce qu’on y auoit ouy ſouuent de nuit, pricipalemẽt aux pleines lunes des mois de Nouẽbre, Decembre & Ianuier ; lors que les tourmentes ſont grandes. Comme en effet, ce meſme Chinois nous en monſtra des preuues à veuë d’œil, par le moyen deſquelles il nous iuſtifia la plus part des choſes qu’il nous auoit racontées. Car nous viſmes en ce lieu là des poiſſons en formes de rayes que nous appellaſmes peixes mantas, qui