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Voyages Aduentureux

la terre cinq iours, à la fin deſquels Dieu nous fit la grace de deſcouurir vne montagne fort haute auec vn rocher tout rond du coſté de Leſt, que Similau nous dit s’appeller Fanjus. L’ayant abordée de bien pres nous entraſmes en vn fort beau port de quarante braſſes de fond, qui s’eſtendant en forme de croiſſant eſtoit à l’abry de toute ſorte de vents, ioint que deux mille vaiſſeaux pour grands qu’ils fuſſent s’y pouuoient ancrer à leur aiſe. Là Antonio de Faria mit pied à terre auec dix ou douze de ſes ſoldats, & fit le tour de ce havre, ſans qu’il ſceut iamais trouuer perſonne, qui le pûs inſtruire ſur le chemin qu’il pretendoit faire ; dequoy il fut aſſez faſché & ſe repentit grandement de ce que ſans aucune ſorte de conſideration, n’y ſans auoir pris le conſeil de perſõne, il auoit entrepris ce voyage temerairement & par ſon caprice. Neantmoins il diſſimuloit à part ſoy ce deſplaiſir le mieux qu’il pouuoit, de peur que les ſiens ne remarquaſſent en luy quelque laſcheté de courage. En ce havre il s’entretint derechef auec Similau, en la preſence de tous ſur cette nauigation qui luy dit eſtre faite comme à taſtons ; à quoy le Chinois fit reſponſe : Seigneur Capitaine, ſi ie vous pouuois engager quelque choſe qui me fut de plus grand prix que ma teſte, ie vous proteſte que ie le ferois tres-volontiers, pour eſtre ſi aſſeuré de la route que ie prens, que ie ne craindrois point de vous dõner mes propres enfans en oſtage de la promeſſe que ie vous ay faite dans Liampoo. Neantmoins, ie vous auis derechef, que ſi vous repentant de cette entrepriſe vous apprehendez de paſſer outre, pour les contes que vos gens vous font de moy, & qu’ils vous ſoufflent à tous propos à l’oreille, comme ie l’ay remarqué beaucoup de fois, commandez ſeulement, & vous trouuerez que ie ſuis preſt de faire tout ce qu’il vous plaira. Pour le regard de ce que l’on vous veut faire croire que ie fais ce voyage plus long que ie ne vous ay promis à Liampoo, vous en ſçauez tres-bien la raiſon, qui ne vous a point ſemblé mauuaiſe au temps que ie vous l’ay propoſée ; puis donc que vous l’auez receuë vne fois, ie vous prie que voſtre cœur ſoit en repos de ce coſté-là, & de ne point rompre ce deſſein en rebrouſſant en arriere, que ſi vous