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Voyages Aduentureux

qu’ils ſignerent tous generalement, comme vne concluſion priſe en vne aſſemblée, & la luy enuoyerent incontinent, enſemble deux Lanteaas pleines de quantité de rafraichiſſemens, & ce par vn Gentil-homme d’entr’eux nommé Hieroſme de Rego, homme deſia vieil, de ſçauoir & d’autorité. Dans cette lettre ils le remercioient en termes tous remplis de courtoiſie, de la grande obligation qu’ils auoient tous en general, tant pour la grande faueur qu’il leur auoit faite en leur oſtant leur marchandiſe entre les mains des ennemis, comme pour l’extréme affection qu’il leur auoit teſmoignée, en vſant enuers eux d’vne grande liberaliré, pour laquelle ils eſperoient que Dieu luy ſatisferoit en abondance des biens de ſa gloire ; Quant à la crainte qu’il auoit d’hiuerner en ce lieu, à cauſe de ce qui s’eſtoit paſſé à Nouday, qu’il ſe tint aſſeuré de ce coſté la, pource que le païs n’eſtoit alors ſi plein de repos, que cela fut capable de luy donner du reſſentiment, pour eſtre aſſez troublé d’ailleurs, tant pour l’amour du Roy de la Chine, que pour les diſſentions qu’il y auoit en tout le Royaume, parmy treize opposans, qui pretendans tous à la Couronne tenoient la campagne, afin que par la force des armes ils euſſent moyen de vuider vn different, qui ne ſe pouuoit terminer par le droit. A quoy ils adiouſtoiẽt que le Tutan Nay premiere perſonne apres le Roy ; & qui commandoit ſouuerainement comme le Roy meſme, eſtoi aſſiegé dans la ville de Quoanſy, par le Prechau Muan Empereur des Cauchins, en faueur duquel l’on tenoit que le Roy de Tartarie s’en venoit fondre dans le pays, auec vne armée de neuf cens mille hommes ; de maniere que tout eſtoit tellement broüillé & meſlé entr’eux, que quand meſme il auroit raſé la ville de Canton, c’eſt dequoy l’on ne ſe ſoucieroit pas beaucoup, qu’ainſi à plus forte raison ils pouuoient penſer qu’on tiendroit pour grandement indifferent ce qui s’eſtoit paſſé à Nouday ; qui dans la Chine à comparaiſon de pluſieurs autres, n’eſtoit pas plus grande que Oeyras en Portugal, pour eſtre egalé à Liſbone. Qu’au demeurant pour l’aſſeurance de la bonne nouuelle qu’il leur auoit enuoyée, d’eſtre arriué en leur port, ils le prioient inſtamment qu’il luy plût y demeurer à