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de Fernand Mendez Pinto.

tres-volontiers tout ce qu’ils auoiẽt veu & ouy dire. Antonio de Faria leur ayant promis de le faire ainſi, & meſme s’y eſtant obligé par beaucoup de paroles, vn d’entreux qui eſtoit le plus aagé, & qui ſembloit auoir de l’auctorité par deſſus tous, s’addreſſant à luy : Certes, luy dit-il, ie ne me fie pas beaucoup à tes paroles, pource que tu viens les amplifier ſi au long que i’ay belle peur que l’effet n’en ſoit point conforme à la promeſſe. C’eſt pourquoy ie te prie que tu me iures par cét element qui te porte, que tu ne manqueras point à ce que tu me viens de dire ; autrement s’il t’aduient de te pariurer, tien pour certain que le Seigneur, dont la main eſt toute puiſſante, s’irritera contre toy auec vne telle impetuoſité de cholere, que les vents par le haut, & la mer par en bas, ne ceſſeront iamais de s’oppoſer à ta volonté durant tes voyages : car ie te iure par la beauté de ces eſtoiles que le menſonge n’eſt pas moins laid & odieux à la veuë de ce ſouuerain Seigneur, que la ſuperbe des miniſtres des cauſes qui ſe iugent çà bas en terre, lors qu’auec meſpris & diſcourtoiſie ils parlent aux parties, qui leur demandent la iuſtice dont il ont beſoin. Antonio de Faria s’eſtant derechef obligé par ſerment auec les ceremonies conformes à l’intention du vieillard, l’aſſeurant qu’il ne luy manqueroit point de parole, le Chinois dit qu’il ſe tenoit pour content ; & alors il continua de cette ſorte. Il n’y a que deux iours que i’ay veu le mener en la Chifanga priſon de Nouday les hommes que tu demandes, chargés de gros fers aux pieds ; ce qu’on a fait ſur la creance qu’on a euë qu’ils eſtoient de vrays larrons, qui ne faiſoient d’autre meſtier que de voler ceux qui n’auigeoient ſur la mer. Ces paroles mirent fort en inquietude & en colere Antonio de Faria, auquel il ſembla que la choſe pouuoit bien eſtre comme le vieillard la rencontoit, de maniere que voulant pourueoir ſans autre delay, à ce qu’il iugea neceſſaire pour leur deliurance, à cauſe de l’extreme danger qu’il s’imagina deuoir s’enſuiure du retardement, il leur enuoya vne lettre par vn de ces Chinois, à la place duquel in retint tous les autres en oſtage. Ceſtui-cy partit le lendemain ſi toſt qu’il fut iour ; & d’autant qu’il importoit grandement aux Chinois d’eſtre deliurés du lieu où ils ſe trouuoient captifs ; celuy qui ſe chargea de la lettre, & qui eſtoit mary de l’vne de ces deux femmes que l’on