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de Fernand Mendez Pinto.




Comme Antonio de Faria ſe baſtit auec le Corſaire Coja Acem, & de ce qui luy arriua auecque luy.


Chapitre LIX.



Il pleuſt à Dieu nous donner la mer calme, & le vent ſi fauorable, que noſtre armée nauigeant à mont la riuiere en moins d’vne heure arriua, & ſe rendit eſgale à l’ennemy, ſans que personne nous deſcouuriſt. Mais d’autant qu’ils eſtoient larrons, & qu’ils craignoient les gens du païs, à cauſe des grands maux & des voleries qu’ils y faiſoient iournellement, ils eſtoient tellement ſur leur garde, & auoient de ſi bonnes ſentinelles, qu’auſſi toſt qu’ils nous apperceurent, ils ſonnerent l’alarme à la haſte auec vne cloche, le bruit de laquelle cauſa vne telle rumeur, & vn tel deſordre, tant parmy ceux qui eſtoient à terre, que parmy les autres embarquez, que l’on ne pouuoit preſque s’entr’ouïr à cauſe du grand bruit qu’ils faiſoient. Lors Antonio de Faria voyant que nous eſtions deſcouuerts, ſe mit à crier aux ſiens, Meſſieurs mes freres, à eux, à eux, au nom de Dieu auparauant qu’ils ſoient ſecourus de Lorches, & leur ayant tiré toute noſtre artillerie, il pleuſt à Dieu que ce fut ſi à propos, qu’elle fit tomber & mit en pieces la pluſpart des plus vaillans, qui pour lors eſtoient montez, & paroiſſoient ſur le chapiteau ; choſe qui reüſſit conformément à noſtre deſir. Apres ces canonades, noſtre mouſqueterie, qui pouuoit eſtre de quelques cent ſoixante mousquetaires, ne manqua point de tirer au ſignal, qui pour ce auoit eſté ordonné ; tellement que les tillacs des Iuncos furent nettoyez de tous ceux qui eſtoient deſſus, & cela ſi rudement que pas vn des ennemis n’y oſa paroiſtre depuis. A l’heure meſme nos deux Iuncos aborderent les deux autres de l’ennemy en l’equipage qu’ils eſtoient où le combat s’alluma de part & d’autre ; de telle