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de Fernand Mendez Pinto.




De la rencontre que fiſt Antonio de Faria le long de la coſte de Lamau, d’un Corſaire Chinois, grand amy des Portugais, & de l’accord qu’ils firent enſemble.


Chapitre LVI.



Il y auoit deſia deux iours que nous nauigions le long de la coſte de Lamau auec vent & marée fauorables, lors qu’il pleut à Dieu de nous faire rencontrer vn Iunco de Patane qui venoit de Lequio, lequel eſtoit commandé par vn Corsaire Chinois nommé Quiay Pauian, grand amy de la nation Portugaiſe, & fort enclin à noſtre façon de viure & à nos couſtumes ; de cettuy cy il y auoit trente Portugais, hommes adroits & bien choiſis qu’il tenoit à ſolde, & qu’il aduantageoit plus que les autres auec dons & preſens, par le moyen deſquels il les faiſoit tous riches. Ce Iunco ne nous fuſt pas ſi toſt deſcouuert, qu’il ſe reſolut de nous attaquer, luy ſemblant que nous eſtions autres que Portugais ; de ſorte que le Corſaire ſe mettant en deuoir de nous inueſtir, comme vieil ſoldat qu’il eſtoit vſité au meſtier de Pyrate, il gagna le deſſus du vent, prés trois quarts du Rhomb de noſtre route ; cela fait, il pougea entre deux eſcouttes, & arriuant ſur nous, s’en approcha de la portée d’vn mouſquet, il nous fiſt vne ſalve de quinze pieces d’artillerie ; ce qui nous eſpouuanta grandement à cauſe que la pluſpart eſtoient fauconneaux & pierriers. Alors Antonio de Faria donnant courage à ſes gens, comme valeureux qu’il eſtoit & bon Chreſtien, les poſa ſur le tillac aux lieux les plus neceſſaires, tant à la pouppe qu’à la prouë, en reſeruant quelques-vns pour les placer apres où il en ſeroit de beſoin. Ainſi reſolus que nous eſtions de voir la fin de tout ce que la fortune luy preſenteroit, il pleuſt à