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Voyages Aduentureux

qui parlent ſi bien de toy, & qui obſeruent ſi peu ta loy, comme ces miſerables aueugles, qui croyent que voler & preſcher ſoient des choſes qui te puiſſent ſatisfaire, comme des Princes Tyrans qui viuent ſur terre. Cela dit, ne voulant plus reſpondre à aucune demande, il s’en alla pleurer en vn coing, ſans que durant trois iours il voulut manger choſe quelconque qu’on luy preſentaſt. Alors prenant conſeil touchant la route que de ce lieu on deuoit tenir pour ſçauoir ſi l’on iroit du coſté du Nord, ou du Sud, il y euſt beaucoup de differentes opinions là deſſus, à la fin deſquelles il fut conclud, qu’il nous falloit aller à Liampoo, qui eſtoit vn port eloigné de là en auant vers le Nord de deux cent ſoixante lieuës, à cauſe qu’il pourroit arriuer que le long de cette coſte, nous aurions moyen de nous emparer d’vn autre meilleur vaiſſeau plus grand & plus commode, que celuy que nous auions, lequel eſtoit trop petit pour faire vn ſi long voyage, pour les dangereuſes bouraſques qui ſont ordinairement cauſées par les nouuelles Lunes en la coſte de la Chine, où ſe perdent tous les iours beaucoup de Nauires. Auec ce deſſein nous fiſmes voile enuiron Soleil couché, laiſſant les Chinois ſur le riuage bien eſtonnez de leur infortune, & ainſi nous voguaſmes cette nuict auec la prouë par Nord-eſt, & vn peu auant le iour nous decouuriſmes vne petite Iſle nommée Quintoo, où nous priſmes vne barcaſſe de peſcheurs pleine de quantité de poiſſon fraiz, de laquelle nous tiraſmes ce qui nous eſtoit neceſſaire, & y priſmes encore huict hommes de douze qui eſtoient dedans, & ce pour le ſeruice de noſtre Lanteaa, à cauſe que nos gens n’y pouuoient pas beaucoup ſeruir pour eſtre trop foibles, à raiſon des trauaux qu’ils auoiẽt ſoufferts. Les 8. peſcheurs interrogez quels ports il y auoit en cette coſte, iuſques à Chincheo, où il nous ſembloit que nous pourrions treuuer quelque Nauire de Malaca, nous dirent qu’à 18. lieuës de là il y auoit vne bonne riuiere & vne bonne rade, qui s’appelloit Xingrau, où d’ordinaire on rencontroit force Iuncos, qui y chargeoient du ſel, de l’alun de roche, de l’huile, de la moutarde, & du ſetanie, en laquelle nous pouuions amplement & facilement nous accommoder de tout ce que nous auions