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Voyages Aduentureux

ria de tout ce qu’il auoit treuué touchant la grandeur du lieu, & le peu de Nauires qu’il y auoit dans le port ; c’eſt pourquoy il luy ſembla que ſans aucune crainte il y pouuoit entrer, & que ſi par hazard il n’y faiſoit trafic cõme il deſiroit, perſonne ne pouuoit l’empeſcher de ſortir toutes & quantesfois qu’il luy plairoit, à cauſe que la riuiere eſtoit grandement large, & bien nette, ſans y auoir aucun banc de ſable, ny autre choſe où il peuſt eſtre en danger. Ayant doncques pris conſeil de ſes gens, il conclud par leur aduis, que les deux Mahometans qui auoient esté pris, ne ſeroient enquis par tourments, comme l’on auoit deſia ordonné, tant pour ne les eſpouuanter, que par ce qu’il n’en eſtoit beſoing. Le iour eſtant venu nous diſmes vne Letanie de la Vierge auec grande deuotion, promettant de riches preſens à Noſtre-Dame du Mont, qui eſt à Malaca, pour l’embelliſſement de ſon Temple. Antonio de Faria auant que partir, ſe voulut enquerir de ces Mahometans de ce qu’il deſiroit ſçauoir, & luy ſemblant que pour lors il les gaigneroit pluſtoſt par careſſes, & par prieres, que par chaſtiments & menaces, il les careſſa, & leur declara ſon deſſein. A quoy tous d’eux d’vn accord dirent que touchant l’entrée de la riuiere il n’y auoit rien à craindre, que c’eſtoit la meilleure de toute cette anſe, & que ſouuent il y entroit & ſortoit des vaiſſeaux beaucoup plus grands que les ſiens, que le moindre fond qu’il y auoit, paſſoit quinze à vingt braſſes, & qu’il ne deuoit auoir aucune crainte des gens du pays, à cauſe qu’ils eſtoient naturellement foibles & ſans armes, ioint que les Eſtrangers qui s’y voioient, eſtoient depuis neuf iours arriuez du Royaume de Benan, en deux conuois de cinquante bœufs, chargez de quantité d’argent, de bois d’aloes, toile, ſoye, lin, yuoire, cire, lacre, benjoin, canfre, & or en poudre, comme celuy de l’Iſle de Samatra, leſquels auec ces Marchandiſes venoient tous chercher du poivre, drogues, & perles de l’Iſle d’Ainan ; & leur demandant s’il y auoit quelque armée en ce coſté, ils dirent que non, à cauſe que la plus grande partie des guerres que le Prechau, Empereur des Cochins faiſoit, ou que l’on luy faiſoit, eſtoient par terre, & que lors