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de Fernand Mendez Pinto.

ſtien, propoſant à ſa femme qu’elle euſt à ſe faire Gentile, & adorer l’idole que Tucan Capitaine du Iunco tenoit cachée dans vn coffre, & lors qu’elle ſeroit deſobligée de la loy Chreſtienne, qu’il la marieroit auec luy, à cauſe que ce Tucan luy donnoit pour femme en eſchange vne ſienne ſœur qu’il auoit auec luy, laquelle eſtoit auſſi Gentile & Chinoiſe. Mais dautant que ſa femme ne voulut adorer l’idole, ny conſentir au ſurplus, le chien luy donna vn coup de hache ſur la teſte qui luy fit ſauter la ceruelle ; & apres partit de là, & s’en alla au port de Liampoo, ou cette meſme année il auoit trafiqué ; & de peur d’aller à Patane à cauſe des Portugais qui y reſidoient, il s’en alla hyuerner à Siam, & l’année ſuiuante il s’en retourna au port de Chincheo, où il prit vn petit Iunco auec dix Portugais qui venoient de Sunda, leſquels il tua tous ; & pour ce qu’on ſçauoit deſia dans le pays les meſchancetez qu’il nous auoit faites, craignant de rencontrer quelques forces Portugaiſes, il s’eſtoit retiré dans cette anſe de la Cauchenchine, où comme marchand il trafiquoit, & où auſſi comme Corſaire il voloit ceux qu’il rencontroit plus foibles que luy, & qu’il y auoit deſia trois ans qu’il auoit pris cette riuiere pour refuge de ſes voleries ; pource qu’en icelle il eſtoit plus en ſeureté de nous autres, à cauſe que nous n’auons point accouſtumé de trafiquer aux ports de cette anſe & Iſle d’Ainan. Antonio de Faria luy demãda, ſi ces enfans eſtoient fils des Portugais qu’il auoit dit. A quoy il reſpõdit que non, mais qu’ils eſtoient fils d’vn appellé Nuno Preto, de Gian de Diaz & de Pero Borges, à qui eſtoient auſſi les garçons & les filles qu’ils auoient tous tuez à Mompollacota, à l’emboucheure de la riuiere de Siam, dans le Iunco de Ioan Oliueyra, où il y auoit auſſi mis à mort ſeize Portugais, & qu’à eux deux il auoit donné la vie à cauſe que l’vn eſtoit Charpentier, & l’autre Calfeutreur, & qu’il y auoit deſia pres de quatre ans qu’il les menoit ainſi auec luy, les faiſant mourir de faim, & des coups de foüet qu’il leur donnoit ; qu’au reſte lors qu’il nous attaqua, il ne croyoit pas que nous fuſſions Portugais, mais bien des marchands Chinois comme les autres, qu’il auoit accouſtumé de voler, lors qu’il les trouuoit à ſon ad-