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Voyages Aduentureux

quelques-vns des chiens de l’ouuerture de l’eſcotille, où ils virent en bas pluſieurs perſonnes enfermées. Luy ne pouuant encore recognoiſtre ce qu’il voyoit, il y fit deſcendre deux de ſes garçons qui amenerent en haut dix-ſept Chreſtiens, à ſçauoir deux Portugais, cinq petits enfans, deux filles, & huict garçons, qui tous eſtoient ſi piteux, que c’eſtoit vn triſte ſpectacle de les voir, & leur ayant fait incontinent oſter leurs fers, qui eſtoient colliers, manottes, & groſſes chaiſnes, leur fit bailler tout ce qui leur eſtoit neceſſaire ; car la pluſpart d’entr’eux eſtoient tous nuds. Apres cela il s’enquiſt d’vn de ces Portugais (dautant que l’autre eſtoit comme vn homme mort) à qui appartenoient ces enfans, & comment ils eſtoient tombez entre les mains de ce voleur, enſemble comme il ſe nommoit. A quoy il luy fit reſponce que le Corſaire auoit deux noms, l’vn Chreſtien, & l’autre Gentil, & que celuy de Gentil, duquel il ſe faiſoit pour lors nommer, eſtoit Necoda Xicaulem, & ſon nom Chreſtien Franciſco de Saa, qui s’eſtoit fait Chreſtien dans Malaca, lors que Garcia de Saa eſtoit Capitaine de la fortereſſe. Et dautant qu’il auoit eſté ſon parrain, & qu’il l’auoit fait baptiſer, il luy bailla ce nom, & l’auoit marié auec vne fille orpheline, fort iolie femme, & fille d’vn honorable Portugais, afin de le rendre plus naturel du pays ; mais qu’en l’an 1534. ayant fait voile à la Chine ſur vn ſien Iunco, qui eſtoit fort grand, & dans lequel pour l’accompagner il y auoit vingt Portugais des plus honorables & des plus riches de Malaca, & auſſi ſa femme, comme ils furent arriuez en l’Iſle de Pullo Catan, ils firent ayguade auec intention de paſſer au port de Chincheo, où ayant demeuré deux iours, pource que tout l’équippage du Iunco luy appartenoit, & que tous ſes Mariniers eſtoient Chinois comme luy, & non pas meilleurs Chreſtiens, ils conclurent enſemble la mort de ces pauures Portugais pour voler ce qu’ils auoient de marchandiſe. Ainſi durant vne nuict, lors que les Portugais dormoient, ſans penſer à vne trahiſon ſi grande, ces Chinois auec des petites haches, qu’ils auoient, les tuerent tous, enſemble leurs ſeruiteurs, ſans vouloir ſauuer la vie à pas vn qui euſt le nom de Chre-