Page:Les voyages advantureux de Fernand Mendez Pinto.djvu/173

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
155
de Fernand Mendez Pinto.

cipaux eſtoient deſia morts, & tuerent à droicte & à gauche, tout ce qu’ils rencontrerent dedans ; ſi bien que le vaiſſeau ſe rendit en fin auec tous ſes gens, tant ſoldats que Mariniers, auſquels il fut neceſſaire de donner la vie, à cauſe qu’il n’y auoit pas aſſez de Mariniers, pour tant de Nauires que nous auions. Cela fait, Antonio de Faria alla en diligence ſecourir Chriſtouan Borralho, qui eſtoit abordé de l’autre Iunco, & fort douteux & incertain de la victoire, pource que la plus grande part des noſtres eſtoit bleſſée ; mais Dieu permit que noſtre ſecours fit que les ennemis ſe ietterent en mer, où la plus grande part ſe noya, & ainſi les deux Iuncos demeurerent en noſtre pouuoir. Le combat finy l’on fit la reueuë pour ſçauoir combien nous auoit couſté cette victoire, & il fut trouué vn Portugais, cinq garçons, & neuf Mariniers de morts, ſans y comprendre les bleſſez : & du party de l’ennemy il en fut tué quatre-vingt, & preſque autant pris eſclaues. Apres que les noſtres furent panſez & logez le mieux qu’il nous fut poſſible Antonio de Faria fit reprendre les Mariniers qui s’eſtoient iettez dans la mer, leſquels crioient qu’on les ſecouruſt, & qu’ils ſe noyoient, & les fit amener dans le grand Iunco où il eſtoit. Ayant commandé qu’on les mit aux fers, il leur demanda quels Iuncos c’eſtoient, comment s’appelloit le Capitaine d’iceux, & s’il eſtoit vif ou mort. Or comme pas vn d’eux ne voulut entendre à la demande qu’on leur faiſoit, aymant mieux ſe laiſſer mourir en chiens enragez, ſans faire eſtat des tourmens qu’on leur preſentoit, alors Chriſtouan Borralho s’eſcria du Iunco où il eſtoit, Monſieur, Monſieur, venez toſt, nous auons plus de beſogne à faire que nous ne penſions. Alors Antonio de Faria accompagné de quinze ou ſeize des ſiens ſauta dans ſon Iunco, demandant ce qu’il y auoit ? Et Chriſtouan Borralho luy dit, I’entens deuers la prouë beaucoup de gens qui parlent enſemble, que ie croy eſtre cachez ; & ſe ioignant alors ils s’en allerent ouurir l’eſcotille, où ils ouïrent vn bruit de gens qui diſoient, Seigneur Dieu miſericorde, auec des cris & des plaintes ſi eſpouuantables, qu’il ſembloit que ce fut quelque enchantement. Antonio de Faria eſtonné de telle choſe, s’approcha auec