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de Fernand Mendez Pinto.

mon Dieu, dit-il, il me ſemble que ce que i’entends eſt vn ſonge, puis ſe tournant vers ſes ſoldats qui l’entouroient, il leur fit le diſcours de la vie de ce Quiay, les aſſeura qu’il auoit tué dans des vaiſſeaux fouruoyez ſur la mer, plus de cent Portugais, & fait butin de plus de cent mille ducats ; & qu’encore que ſon nom fut tel que cét Armenien diſoit, à ſçauoir Quiay Taijano ; neantmoins apres qu’en Cincaapara il eut tué Chriſtofle Sardinha, pour vanité de ce qu’il auoit executé, il s’eſtoit fait nommer le Capitaine Sardenha. Alors comme nous euſmes demandé à l’Armenien où il eſtoit, il nous dit qu’il eſtoit fort bleſſé, & caché dans la ſoute du Iunco, parmy les cables, auec encore ſix ou ſept autres. Antonio de Faria ſe leua pour lors, & s’en alla promptement au lieu où ce chien eſtoit caché, ſuiuy de la plus grande part de ſes ſoldats, leſquelles ouurirent l’eſcotille où eſtoient les cables, pour voir ſi ce que l’Armenien leur auoit dit, eſtoit veritable. Alors le chien, & les ſix autres qui eſtoient auec luy, ſortirent par vne autre eſcotille, & tous deſeſperez ils ſe ietterent ſur nos gens, le nombre deſquels eſtoit plus de trente, ſans comprendre plus de quarante garçons. Ainſi il ſe commença de nouueau vn combat ſi furieux, & ſi ſanglant, qu’en moins d’vn quart d’heure on les acheua de tuer. Il y euſt cependant deux Portugais, & ſept garçons de tuez, auec ce qu’ils en bleſſerent plus de vingt. Antonio de Faria receut deux coups d’eſtramaçon ſur la teſte, & vn autre ſur le bras, dont il fut fort mal traitté. Apres ceſte deffaite, & que les bleſſez furent tous panſez, pour ce qu’il eſtoit deſia pres de dix heures, il fit faire voile, apprehendant les quarante Iuncos qui eſtoient en cette riuiere. Ainſi nous éloignants de terre, nous allaſmes ſur le ſoir anchrer en l’autre coſté de Cauchenchina, où Antonio de Faria fit faire inuentaire de ce qui eſtoit dans le Iunco de ce Corſaire. Il y fut treuué cinq cens bares de poivre, de cinquante quintaux le bar, ſoixante de ſendal, quarante de noix muſcades, & du macis, quatre-vingt d’eſtain, trente d’iuoire, douze de cire, & cinq de bois d’aloes fin, ce qui pouuoit valoir en terre, ſelon le cours du pays, ſoixante & dix-mille ducats ; outre vne