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de Fernand Mendez Pinto.

grandement eſtonnée, Que l’on me face mourir, diſt elle, ſi cela n’eſt, car i’ay ouy ce Mahumetan dont vous parlez, ſe vanter publiquement deuant tous ceux qui le vouloient eſcouter, qu’il auoit autresfois mis à mort vn grand nombre de gens de la race de ceux de Malaca, & qu’il les hayſſoit tellement, qu’il auoit promis à ſon Mahomet d’en tuer encore vne fois autant. Eſtonnez d’vne telle nouueauté, nous la priaſmes de nous declarer qui eſtoit cet homme là, & le ſuiet qui l’obligeoit à nous vouloir tant de mal. La reſponſe qu’elle nous fit là deſſus, fut qu’elle n’en ſçauoit autre raiſon, ſinon qu’vn grand Capitaine de noſtre nation, nommé Hector de Sylueira luy auoit tué ſon pere, & deux freres dans vn Nauire qu’il leur auoit pris au deſtroit de la Mecque, qui venoient de Iudas, & s’en alloient à Dabul. Voila ce que nous diſt de luy cette Dame, qui durant que nous fuſmes enſemble, nous raconta pluſieurs autres particularitez touchant la grande hayne que ce Mahumetan nous portoit, & ſur ce qu’il diſoit de nous pour taſcher de nous rendre infames.




Qui eſtoit cette femme que nous rencontraſmes, & comme elle nous enuoya à Patane, enſemble de ce que fit Antonio de Faria, lors qu’il appriſt la nouuelle de noſtre deſaſtre, & la perte de ſa marchandiſe.


Chapitre XXXVIII.



Cette honorable femme eſtant partie du lieu où elle nous auoit trouuez, s’en alla à voile & à rame, à mont la riuiere enuiron deux lieuës, iuſques à ce qu’elle arriua à vn petit village, où elle paſſa la nuict. Le lendemain matin elle en partit, & s’en alla droict à la ville de Lugor, qui eſtoit encore cinq lieuës plus auant. Y eſtant arriuée enuiron le midy, elle mit pied à terre, & ſe retira en ſa maison, où elle nous mena elle-meſme, & nous y fit ſeiourner vingt-trois iours, pendant leſquels nous fuſmes fort bien panſez,