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de Fernand Mendez Pinto.

dedans, firent d’abord tout leur poſſible pour ſe deffendre, ſi eſt ce qu’en fin toute leur reſiſtance fut inutile ; car en moins d’vne heure nous les rangeaſmes tous ſoubs noſtre pouuoir, tellement que ſeptante-quatre des leurs y demeurerent, & il n’y euſt de noſtre coſté que trois hommes de tuez, mais beaucoup de bleſſez. Ie ne veux point m’amuſer icy à deduire en particulier ce que firent ceux de l’vn & de l’autre party, pource que cela me ſemble ſuperflu. Il me ſuffira de dire ce qui eſt le plus propre à ce diſcours. Il faut donc ſçauoir qu’apres que les trois Iuncos ſe furent rendus, & qu’on les eut pris (comme i’ay deſia dit) nous fiſmes voile tout auſſi-toſt, & les emmenaſmes auec nous, à cauſe que tout le pays eſtoit deſia mutiné. Alors de ce meſme lieu nous priſmes la route de Patane, & fauoriſez du bon vent, nous y arriuaſmes le lendemain apres midy. À noſtre abord nous iettaſmes l’ancre en mer, & ſaluaſmes la ville auec beaucoup d’allegreſſe & de bruit d’artillerie, choſe qui fit perdre toute patience aux Mahometans du pays ; car bien que cela ſe paſſaſt en vn temps de paix, & auquel ils ſe diſoient eſtre de nos amis, ils ne laiſſerent pas neantmoins de faire tout leur poſſible, & à force de preſens qu’ils donnerent aux Gouuerneurs & aux fauoris du Roy, de taſcher qu’il rendit nulles les priſes que nous auions faites, & meſme qu’il nous chaſſaſt hors de ſon pays, à quoy neantmoins le Roy ne voulut iamais conſentir, diſant que pour rien du monde il ne romproit la paix que ſes Anceſtres auoient faite auec les Chreſtiens de Malaca, & que tout ce qu’il pouuoit faire en tel cas, c’eſtoit de ſeruir de tiers tant pour les vns que pour les autres. Il nous pria là deſſus que les trois Necodas, Seigneurs ou Capitaines de trois Iuncos, ainſi appellez en leur pays, nous rendans ce qu’on auoit pris au Capitaine de Malaca, nous euſſions auſſi à leur rendre leurs vaiſſeaux libres auec le ſurplus, choſe que Ioan Fernandez Dabreu & les autres Portugais accorderent tres-volontiers, pour teſmoigner au Roy le deſir qu’ils auoient de le contenter. Auſſi leur en ſceut-il fort bon gré, & par des paroles de courtoiſie, il leur donna de grandes preuues de ſa bonne volonté. De cette façon furent recouurez les cin-