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Voyages Aduentureux

plaiſir de ceux que i’ay enfanté. Ces hommes ſe voyans contraints à vn chaſtiment ſi ſcandaleux pour eux, ſe bannirent preſque tous du pays, & pluſieurs ſe donnerent la mort volontairement, les vns auec du poiſon, les autres par le licol, & les autres par le glaiue. Recit qui eſt entierement conforme à la verité, ſans que i’y adiouſte rien du mien. Ainſi le Royaume d’Aaru demeura deliuré des mains de ce Tyran Roy d’Achem, & au pouuoir du Roy de Iantana iuſques à l’année 1574. que le meſme Roy d’Achem auec vne flotte de deux cens voiles, feignant de s’en aller ſurprendre Pataue, ſe ietta finement vne nuict sur Iantana, où le Roy eſtoit pour lors, lequel il prit auec ſa femme, ſes enfans, & pluſieurs autres captifs qu’il emmena en ſon pays, où ſans donner la vie à pas vn, il les fit tous mourir cruellement, & au Roy il luy fit ſauter la ceruelle hors de la teſte auec vn gros baſton pointu. Apres ces executions ſanglantes, il poſſeda le Royaume d’Aaru, où incontinent il fit recognoiſtre pour Roy ſon fils aiſné, qui eſt celuy qui fut tué à Malaca, le venant aſſieger au temps de Denys Pereyra, fils du Comte de Feyra Capitaine de la fortereſſe, qui la defendit ſi valeureuſement qu’il ſembloit que ce fut pluſtot vn miracle qu’vne œuure naturelle, à cauſe que le pouuoir de cet ennemy eſtoit ſi grand, & le noſtre ſi petit à comparaiſon du leur, que l’on peut dire auec verité qu’ils eſtoient deux cens Mahumetans contre vn Chreſtien.




Comment ie partis de Malaca, pour m’en aller à Pan, & de la rencontre que ie fis de vingt trois Chreſtiens, qui s’eſtoient perdus ſur mer.


Chapitre XXXIII.



Pour reprendre le diſcours où i’eſtois cy-deuant, ie diray que lors que ie fus guery de la maladie que m’auoit cauſé ma captiuité de Siaca, Pedro de Faria deſirant treuuer quelque occaſion pour m’aduancer, & me faire gaigner quelque choſe, m’enuoya dans