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de Fernand Mendez Pinto.

occaſions. De cette façon à force de rames, & de voiles, ils gaignerent l’entrée de la riuiere, & venant à la veuë de l’armée de Laque Xemena lequel eſtoit deſia preſt, & renforcé de bon nombre de ſoldats, qui nouuellement luy eſtoient arriuez de Pera, Bintan, Siaca, & de pluſieurs autres endroicts d’alentour, il partit incontinent du lieu où il eſtoit, & ſe vint rendre au milieu de la riuiere. Apres s’eſtre ſaluez de part & d’autre auec l’artillerie, ils ſe ioignirent auec autant de violence qu’ils en auoient de deſir. Le combat fut ſi grand que durant vne heure & demie l’on ne ſceut recognoiſtre l’aduantage des deux partis, iuſqu’à tant que Heredin Mahomet General des Achems fut tué d’vne bombe à feu, qui le frappant par l’eſtomach le mit en deux pieces. Alors la mort de ce chef découragea les ſiens de telle ſorte, que voulans retourner vers vne pointe nommée Batoquirin, auec intention de s’y vnir enſemble, & s’y fortifier attendant la nuict, à la faueur de laquelle ils auoient enuie de fuïr, ils ne peurent executer leur deſſein, à cauſe du grand courant de l’eau qui les ſepara & diſperſa en diuers endroicts. Par ce moyen l’armée du Tyran Roy d’Achem demeura au pouuoir de Laque Xemena, qui la desfit, ſans qu’il s’eſchappaſt d’icelle que quatorze voiles, & les autres cent ſoixante & ſix furent toutes priſes, & dans icelles furent auſſi mis a mort treize mille cinq cens hommes, ſans y comprendre les quatorze cens qui eſtoient morts en la tranchée. Ces quatorze voiles eſtans ainſi eſchappées s’en retournerent à Achem, où eſtans elles donnerent aduis au Roy de tout ce qui s’eſtoit paſſé, dequoy l’on dit qu’ils s’attriſta de telle ſorte, qu’il demeura vingt iours ſans ſe faire voir de perſonne ; à la fin deſquels il fit trancher la teſte à tous les Capitaines des quatorze voiles, & à tous les ſoldats qui eſtoient dedans, il leur fit raſer la barbe, leur enioignant expreſſément ſur peine d’eſtre ſciez tous vifs, qu’ils euſſent à l’aduenir à aller veſtus en habits de femmes, ioüans auec des tambours de Biſcaye en tous les lieux où ils iroient, & que quand ils feroient quelque ſerment, que ce fut en diſant, Ainſi Dieu me ramene mon mari, comme cela eſt vray ou, bien, Puiſſe-je auoir du