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de Fernand Mendez Pinto.




Comment ie m’en allay à Malaca auec le Marchand Mahometan, & des choſes qui s’y paſſerent.


Chapitre XXV.



Qvatre iours apres cet accord, pour me rachepter plus facilement, le Marchand Mahometan ſe ſeruit de l’entrepriſe d’vn homme natif du pays, qui s’en alla ſous main treuuer les peſcheurs, auec leſquels il ſceut ſi bien diſſimuler ceſte affaire, qu’ils luy accorderent mon rachapt fort facilement, car ils s’ennuyoient deſia grandement de m’auoir, tant pource que i’eſtois bien malade, que pour ne leur pouuoir eſtre vtile en aucune façon que ce fuſt. D’ailleurs, il y auoit deſia vn mois que i’eſtois hors de leur maiſon, & eux en fort mauuaiſe intelligence enſemble ; ioint que tous ſept participoient à la vente qu’ils eſperoient faire de ma perſonne : à quoy contribuoient encore pluſieurs autres choſes qu’il pleuſt à Dieu permettre, afin qu’ils fiſſent peu d’eſtime de moy. Ainſi par le moyen du tiers que le Mahometan employa pour traiter de la vente de ma perſonne, ces peſcheurs demeurerent d’accord auec le Marchand, moyennant la ſomme de ſept mazes d’or, qui valent enuiron huit liures quinze ſols de noſtre monnoye. Le Mahometan ne m’eut pas ſi toſt rachepté qu’il m’emmena en ſa maiſon, où ie fus cinq iours hors de la tyrannie de ces peſcheurs, & en vne captiuité bien meilleure que la precedente. Voila donc comme ie tombay ſous le pouuoir de ce nouueau Maiſtre, qui s’en alla à cinq lieuës de-là, en vn lieu nommé Sorobaya, où il acheua de charger ſon vaiſſeau de marchandiſe, qui, comme i’ay deſia dit, conſiſtoit en œufs d’aloſes : car ils ſont en ſi grand nombre en cette riuiere, que les habitans n’en peuuent faire aucun profit, ſi ce n’est de ceux des femelles. Auſſi en chargent ils tous les ans plus de deux mille vaiſſeaux, qui portent du moins cent cinquante, ou deux cens barils, chacun