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faisait travailler au carton du Jugement dernier. Tout en prouvant au pape qu’il y était occupé, il ne laissait pas de travailler secrètement aux statues destinées au tombeau. Survint, l’année 1533, la mort du pape Clément[1], par suite de laquelle l’œuvre de la sacristie et de la bibliothèque, à Florence, à l’achèvement de laquelle on avait travaillé avec tant d’ardeur, resta imparfaite.

Michel-Ange pensa alors vraiment avoir acquis sa liberté et pouvoir s’occuper à l’achèvement du tombeau de Jules II. Mais le nouveau pape, Paul III[2], n’attendit pas longtemps pour le faire appeler, l’accabler de caresses et d’offres, et lui dire qu’il désirait l’avoir auprès de lui, ayant besoin de ses services. Michel-Ange s’excusa, disant qu’il n’était pas libre, étant lié par contrat au duc d’Urbin, jusqu’à ce que fût terminé le tombeau de Jules II. Mais le pape se mit en colère et lui dit : « Voilà trente ans que j’ai ce désir, et maintenant que je suis pape je ne pourrai pas le satisfaire ?… Je déchirerai le contrat et je veux que tu me serves de toute façon ! » Michel-Ange, voyant cette obstination, fut tenté de quitter Rome et de trouver un moyen de terminer le tombeau. Toutefois, en homme prudent et craignant la puissance du pape, il pensait l’entretenir de bonnes paroles, et il espérait, le voyant si vieux[3], que quelque chose surviendrait qui le libérerait. Mais le pape, qui avait l’intention de faire exécuter quelque œuvre importante par Michel-Ange, alla le voir un jour dans sa maison, avec dix cardinaux, et voulut voir toutes les statues destinées au tombeau de Jules II ; elles lui parurent merveilleuses, particulièrement le Moïse, qui, au dire du cardinal de Mantoue, suffisait pour honorer Jules II. Ayant vu ensuite les cartons et les dessins que Michel-Ange préparait pour les parois de la chapelle, et qui parurent au pape étonnants, celui-ci l’entreprit de nouveau avec force instances pour le faire entrer à son service, lui promettant qu’il ferait en sorte que le duc d’Urbin se contentât de trois statues, et que les autres seraient exécutées par d’autres maîtres excellents, d’après ses modèles. Sa Sainteté ayant donc arrangé la chose avec les agents du duc, on fit un nouveau contrat[4] qui fut approuvé de ce dernier, et Michel-Ange, spontanément, s’obligea à payer les trois statues et à faire édifier le tombeau. Il déposa pour cela dans la banque des Strozzi 1.580 ducats, qu’il aurait pu garder, et il lui parut

  1. Le 25 septembre 1584.
  2. Élu le 3 octobre 1534.
  3. Le pape avait soixante-huit ans l’année de son élection.
  4. Lettre du duc d’Urbin à Michel-Ange, 6 mars 1542. Cinquième et dernier contrat, 20 août 1542.