aussi que, pendant le siège, il eut l’occasion de satisfaire le désir qu’il avait eu auparavant d’obtenir un bloc de marbre de neuf brasses, venu de Carrare, que, par concurrence entre eux, le pape Clément avait donné à Baccio Bandinelli. Comme ce bloc était alors dans le domaine public, il le demanda au gonfalonier, qui le lui accorda, bien que Baccio eût fait un modèle et eût déjà enlevé beaucoup de matière pour dégrossir le bloc. Michel-Ange fit un modèle qui fut trouvé merveilleux ; mais, au retour des Médicis, le bloc fut restitué à Baccio.
La ville de Florence s’étant rendue[1], Baccio Valori, commissaire du pape, fut chargé de faire arrêter et enfermer au Bargello plusieurs citoyens des plus opposés aux Médicis. Entre autres, Michel-Ange fut recherché à son domicile, mais comme il s’en doutait, il s’était enfui secrètement dans la maison d’un de ses grands amis, où il resta plusieurs jours caché[2]. Quand les représailles furent passées, le pape Clément, se souvenant du génie de Michel-Ange, fit faire diligence pour le trouver, avec ordre de ne pas l’inquiéter, pour qu’il se remît aux travaux de San Lorenzo, avec la provision accoutumée. Il nomma provéditeur de l’œuvre Messer Giovambatista Figiovanni, ancien partisan de la maison Médicis et prieur de San Lorenzo. Michel-Ange, se sentant rassuré, commença, pour Baccio Valori, dont il voulait se faire un ami, une figure de trois brasses en marbre, représentant un Apollon qui tirait une flèche de son carquois, et la termina presque entièrement[3]. Cette statue est actuellement dans la chambre du prince de Florence ; elle est remarquable, bien qu’elle ne soit pas achevée.
Dans ce temps se présenta à Michel-Ange un gentilhomme envoyé par le duc Alphonse de Ferrare, qui avait appris que Michel-Ange venait de produire une œuvre rare, et qui ne voulait pas manquer cette occasion. Michel-Ange lui montra un grand tableau, peint par lui en détrempe, tout d’un trait, qui représentait Léda embrassant le cygne, et Castor et Pollux sortant de l’œuf. L’envoyé du duc, pensant, d’après la réputation de Michel-Ange, qu’il devait avoir produit quelque chose de grand, et n’entendant rien à l’excellence de l’œuvre qu’on lui présentait, dit à Michel-Ange : « Oh ! c’est peu de chose ! » Michel-Ange lui demanda alors quel était son métier, sachant bien que nul ne peut donner son avis sur une chose quelconque aussi