jour d’avril, moi, Lodovico di Lionardo di Buonarota, j’ai placé mon fils Michel-Ange auprès de Domenico et de Davit di Tommaso di Currado, pour les trois années à venir, aux conditions suivantes : ledit Michel-Ange restera avec les sus-nommés le temps indiqué, pour apprendre la peinture, peindre et faire tout ce que les sus-nommés lui ordonneront. Ils lui donneront dans ces trois ans vingt-quatre florins di sugello, la première année six, huit la deuxième, dix florins la troisième, en tout la somme de quatre-vingt-seize livres. » Au-dessous se trouve écrit, également de la main de Lodovico : « Ledit Michel-Ange a reçu aujourd’hui 16 avril deux florins d’or. Moi, Lodovico di Lionardo, son père, ai reçu à son compte douze livres douze. » J’ai copié ces passages sur le propre livre de Ghirlandajo, pour montrer que tout ce qu’on a alors écrit et que l’on écrira est la vérité ; je ne connais personne qui ait plus fréquenté Michel-Ange que moi, il n’a pas eu d’ami, ni de serviteur plus fidèle que moi, et je crois que personne ne peut montrer plus de lettres qu’il ne m’en a écrites, ni avec plus d’affection. C’est par amour de la vérité que j’ai fait cette digression ; et je n’y reviendrai plus.
Michel-Ange croissait en taille et en mérite, de manière que Domenico restait stupéfait de le voir exécuter des œuvres au-dessus de son âge, et il lui semblait que non seulement Michel-Ange surpassait ses autres disciples qui étaient nombreux, mais que souvent il égalait les œuvres que lui-même, son maître, produisait. Un jour, un des élèves de Domenico ayant dessiné à la plume quelques femmes vêtues à la manière de Ghirlandajo, Michel-Ange prit le papier, et, avec une plume plus grosse, repassa l’une de ces femmes, en la drapant à nouveau de la manière qu’elle devait être pour être parfaite ; chose admirable à voir que cette différence des deux manières, ainsi que la bonté du jugement dans ce jeune homme, assez fier et hardi, pour oser se permettre de corriger les œuvres de son maître. Je possède actuellement ce dessin, et je le conserve précieusement, l’ayant eu du Granacci. Quand j’étais à Rome en 1550, je le montrai à Michel-Ange, qui le reconnut et le revit avec plaisir, disant par modestie qu’il savait mieux dessiner dans sa jeunesse que maintenant qu’il était vieux. Or il arriva que, Domenico peignant la grande chapelle de Santa Maria Novella, un jour qu’il était absent, Michel-Ange se mit à dessiner l’échafaudage, avec tout l’attirail de peintre et quelques-uns des élèves qui travaillaient. Domenico, étant de retour, et ayant vu le dessin de Michel-Ange, s’écria : « Celui-ci en sait plus que moi ! » restant stupéfait de la nouvelle manière et du nouveau genre que le ciel faisait se manifester dans ce