dans la villa de Settignano, à trois milles de la cité, où il avait un domaine, provenant de ses ancêtres [cet endroit est riche en pierre de taille, et rempli de carrières de macigno, qui sont travaillées par les tailleurs de pierre et les sculpteurs, dont le plus grand nombre est originaire de là], il donna Michel-Ange à nourrir à la femme d’un tailleur de pierre. C’est pourquoi Michel-Ange, causant un jour avec Vasari, lui disait en plaisantant : « Giorgio, si j’ai quelque chose de bon dans l’esprit, cela provient de ce que je suis né dans l’air subtil de votre pays d’Arezzo, de même que j’ai tiré du lait de ma nourrice les ciseaux et la masse avec lesquels je fais mes statues. » La famille de Lodovico s’augmenta considérablement avec le temps ; comme il était peu aisé et qu’il avait peu de revenus, il se décida à faire apprendre à ses fils les métiers de la laine et de la soie. Quant à Michel-Ange, lorsqu’il fut un peu plus âgé, on le mit auprès de Maestro Francesco da Urbino, pour apprendre la grammaire ; comme son génie le poussait à cultiver le dessin, il consacrait tout le temps dont il pouvait disposer à dessiner, bien qu’il fût grondé et quelquefois battu par son père et ses aînés, qui considéraient peut-être cette occupation, qui leur était inconnue, comme une chose vile et indigne de leur antique maison. Dans ce temps, Michel-Ange s’était lié d’amitié avec Francesco Granacci qui, bien que très jeune, avait été placé auprès de Domenico del Ghirlandajo, pour apprendre l’art de la peinture ; Granacci, qui avait pour lui une vive affection et qui le voyait très apte au dessin, le fournissait journellement de dessins de Ghirlandajo, alors considéré, non seulement à Florence, mais encore dans toute l’Italie, comme un des meilleurs maîtres. Le désir de Michel-Ange croissant donc chaque jour, et Lodovico n’arrivant pas à l’en détourner, celui-ci se décida à tirer quelque parti de ce mal qu’il voyait sans remède, et, ayant pris conseil de ses amis, il plaça son fils auprès de Domenico Ghirlandajo. À ce moment, Michel-Ange avait quatorze ans, et, comme des écrivains[1] postérieurs à l’année 1550, dans laquelle j’ai édité pour la première fois ces Vies, pour n’avoir pas vécu familièrement avec Michel-Ange, ce qui leur a fait dire des choses qui n’ont jamais existé, et laisser de côté quantité de points dignes d’être notés, en particulier celui-ci, ont accusé Domenico d’avoir été quelque peu jaloux de lui et de ne lui avoir donné aucun appui, j’affirme que le fait est faux, comme on peut le voir par ces lignes écrites de la main de Lodovico, père de Michel-Ange, sur les livres de Domenico, qui sont actuellement auprès de ses héritiers : « 1488. Ce premier
- ↑ Allusion à Ascanio Condivi, disciple et auteur d’une Vie de celui-ci.