pour lui, serait toujours à lui. « — Vends-le, répliqua Ottaviano, vends-le, et sers-toi de l’argent que tu en auras, car, vois-tu, je sais ce que je dis. » Andrea s’en alla donc avec son tableau, mais, quelques sommes qu’on lui en offrit ailleurs, il ne voulut jamais le vendre. Après le siège et la rentrée des Médicis à Florence, il le présenta de nouveau à Ottaviano qui, cette fois, le prit volontiers et le lui paya, en guise de remerciements, le double du prix convenu. Cette Sainte Famille orne aujourd’hui la chambre de Madonna Francesca, femme du magnifique Ottaviano et sœur du très révérend Salviati, laquelle n’estime pas moins les belles peintures que son mari. Andrea fit un autre tableau, presque semblable à celui de la Charité, dont nous avons parlé ci-dessus, pour Giovanni Borgherini ; il renferme une Vierge, un petit saint Jean qui tend à Jésus une boule figurant le monde, et la tête d’un saint Joseph, très belle[1].
Paolo de Terrarossa, ami de tous les peintres, ayant vu l’ébauche du Sacrifice d’Abraham, dont nous avons parlé plus haut, en demanda une copie à Andrea, qui la lui fit volontiers, et de telle sorte que, malgré sa petite dimension, elle ne le cède en rien à l’original, qui est plus grand. Elle plut infiniment à Paolo, qui lui en demanda le prix, estimant qu’elle devait coûter ce qu’elle valait réellement ; mais, Andrea lui ayant dit un chiffre véritablement dérisoire. Paolo, presque honteux et levant les épaules, lui donna ce qu’il voulait. Il envoya ensuite le tableau à Naples, et c’est le plus beau qu’il y ait en cet endroit.
Pendant le siège de Florence, quelques capitaines avaient déserté la ville et emporté la solde de leurs compagnies. Andrea fut requis[2] de peindre, sur la façade du palais du Podestat donnant sur la place, ces traîtres, et quelques autres citoyens, qui, ayant fui, avaient été déclarés rebelles. Il dit qu’il le ferait, mais afin de ne pas recevoir le surnom des Pendus, comme Andrea dal Castagno, il sema le bruit qu’il avait chargé de ce travail un de ses élèves nommé Bernardo del Buda. Puis, ayant fait construire en planches un grand atelier, où il entrait et sortait de nuit, il représenta ces figures avec une rare perfection. Les soldats déserteurs peints sur la façade de la Mercatanzia Vecchia ont été, il y a déjà longtemps, passés à la chaux, pour qu’on ne puisse plus les voir, et les citoyens rebelles peints tout entiers de sa main, sur la façade du Palais du Podestat, ont également disparu.