de France la plus riche collection que l’on pût voir. Comme il désirait qu’Andréa rentrât en grâce auprès du roi et se remît à son service, il lui fit peindre deux tableaux. Dans le premier, Andrea représenta le Sacrifice d’Abraham[1] avec tant de soin, que l’on jugea qu’il n’avait rien produit de mieux jusqu’alors. Le visage d’Abraham exprime divinement cette fermeté et cette foi ardente qui le poussaient à immoler sans hésiter son propre fils ; en même temps, il est tourné vers un ange admirable qui arrête le coup meurtrier. Je ne dirai rien de l’attitude et des vêtements du vieillard ; ils sont au-dessus de tout éloge. Quant à Isaac, ce tendre et bel enfant, tout nu, paraît trembler de frayeur, par crainte du supplice, et à demi mort, sans avoir été frappé. Son cou a été hâlé par le soleil, durant le voyage de trois jours, tandis que le reste de son corps, protégé par ses habits qui gisent à terre, est d’une extrême blancheur. Pareillement le bélier, au milieu des épines, paraît vivant ; il y a encore un âne qui paît sous la garde des serviteurs d’Abraham, et un paysage si admirablement exécuté, que celui même où le fait se passe ne pouvait être ni plus beau ni autrement. Après la mort d’Andrea et l’emprisonnement de Battista della Palla[2], Filippo Strozzi acheta ce tableau et le donna au seigneur Alfonso Davalos, marquis del Vasto, qui l’envoya dans l’île d’Ischia, près de Naples, où on le mit en compagnie d’autres peintures remarquables. L’autre tableau représentait une très belle Charité avec trois enfants[3] ; il fut vendu par la veuve d’Andrea à Domenico Conti.
Sur ces entrefaites, le magnifique Ottaviano de’Medici, voyant combien Andrea, à cette date, avait amélioré sa manière, voulut avoir un tableau de sa main. Andrea, désireux de bien le servir, parce qu’il était l’obligé de ce seigneur qui avait toujours favorisé les beaux génies et en particulier les peintres, lui fit une Madone assise à terre, avec l’Enfant Jésus à cheval sur ses genoux et tournant la tête vers un petit saint Jean porté par sainte Élisabeth[4]. Lorsque Andrea eut achevé cette Sainte Famille, qui est dessinée avec un soin incroyable, il la porta à Ottaviano ; mais, comme le siège avait été mis devant Florence, ce seigneur avait bien d’autres pensées en tête ; il le remercia beaucoup, s’excusa de ne pas prendre son tableau et lui dit de le donner à qui il voudrait. Andrea ne répondit autre chose que le tableau, ayant été fait