dans les Sibylles et les Prophètes de la fresque qu’il fit dans l’église della Pace, pour l’exécution de laquelle il tira un grand profit d’avoir vu les peintures de Michel-Ange dans la chapelle du pape. S’il avait su s’arrêter à cette manière et n’eût pas cherché à l’agrandir et à la varier, pour montrer qu’il entendait les nus aussi bien que Michel-Ange, il ne se serait pas privé d’une partie de sa renommée, car les nus qu’il exécuta dans la chambre de la Tour Borgia où se trouve l’incendie du Borgo, quoique bons, ne sont pas parfaits en tout point. On ne peut pas non plus être satisfait de ceux qu’il fit sur la voûte du palais d’Agostino Chigi, dans le Transtevère, qui manquent de cette grâce et de cette douceur qui lui étaient propres ; ce qui fut en grande partie causé parce qu’il faisait exécuter les peintures par ses élèves d’après ses dessins, erreur qu’il reconnut en homme sensé, car il voulut travailler seul et sans l’aide d’aucun autre à son tableau de la Transfiguration [actuellement à San Pietro a Montorio], où l’on trouve réunies toutes les qualités que doit présenter une bonne peinture. Si dans cette œuvre, comme par caprice, il n’avait employé le noir de fumée des imprimeurs, qui, de sa nature, devient tous les jours plus obscur et altère les couleurs auxquelles il est mêlé, je crois que cette œuvre serait encore aussi fraîche que lorsqu’il l’exécuta, tandis qu’aujourd’hui elle a beaucoup trop poussé au noir.
Après nous être ainsi étendu sur ces questions de l’art, plus peut-être qu’il n’était nécessaire, pour en revenir à la vie et à la mort de Raphaël, je dis qu’ayant contracté une intime amitié avec Bernardo Divizio, cardinal de Bibbiena, celui-ci le tourmentait depuis plusieurs années pour le marier. Raphaël, sans avoir jamais expressément repoussé les propositions du cardinal, avait gagné du temps, en disant qu’il voulait attendre trois ou quatre ans, avant de se décider. Ce terme arrivé, au moment où il s’y attendait le moins, le cardinal lui rappela sa promesse, et Raphaël, se voyant lié, en galant homme, ne voulut pas manquer à sa parole, et consentit à épouser la propre nièce du cardinal[1]. Comme il fut toujours peu désireux de subir cette chaîne, il en différait l’accomplissement, de sorte’que plusieurs mois se passèrent sans que le mariage eût lieu. Ce n’était pas sans un motif honorable qu’il agissait ainsi ; après avoir servi pendant tant d’années la cour pontificale, il était créancier du pape Léon pour une forte somme et on lui avait donné à entendre qu’aussitôt qu’il aurait terminé les peintures de la salle auxquelles il travaillait, le pape lui donnerait un
- ↑ Marie Bibbiena, morte avant Raphaël.