Raphaël, qui les remit à Baviera, un de ses compagnons. Celui-ci avait soin d’une femme que Raphaël aima jusqu’à la mort[1], et dont il fit un très beau portrait qui paraissait vivant ; ce portrait est aujourd’hui conservé à Florence, chez Matteo Botti, marchand florentin, et ami de tous les hommes de mérite, particulièrement des peintres.
Raphaël fit ensuite, pour le monastère des frères de Monte Oliveto, à Palerme, appelé Santa Maria dello Spasimo, un Portement de Croix que l’on regarde comme un chef-d’œuvre[2]. On y reconnaît l’impiété et la rage des bourreaux qui conduisent le Christ au Calvaire ; le Christ, agonisant de son supplice prochain, est tombé à terre, succombant sous le poids de la croix, et se retourne, baigné de sueur et de sang, vers les deux Maries qui pleurent amèrement. On y voit en outre Véronique qui tend les bras et lui présente un linge, avec un sentiment d’ardente charité. La composition est pleine de soldats à cheval et à pied qui débouchent de la porte de Jérusalem avec les étendards de la justice, dans des attitudes variées et admirables. Ce tableau terminé, mais non conduit à sa place, courut les plus grands risques, car le vaisseau qui devait le conduire à Palerme fut battu d’une violente tempête et s’ouvrit en donnant contre un écueil. Tout périt, hommes et marchandises, le tableau seul échappa au danger ; renfermé dans sa caisse, il fut porté par les flots sur la côte de Gênes, y fut repêché et tiré à terre. On trouva la peinture intacte : la fureur des vents et de la mer semblait avoir voulu respecter sa divine beauté. Le bruit de cet événement arriva à Palerme et les moines s’empressèrent de réclamer leur tableau ; mais il fallut l’intervention du pape pour le faire rendre au couvent qui récompensa largement ceux qui l’avaient sauvé. Rembarqué de nouveau et conduit en Sicile, il fut placé à Palerme, où il est plus renommé que le Mont de Vulcain.
Tandis que Raphaël travaillait à ces œuvres qu’il ne pouvait refuser de faire, car elles étaient demandées par des personnages d’importance et parce qu’il aurait compromis ses intérêts, il continuait néanmoins à poursuivre ses travaux, dans l’ordre qu’il les avait commencés au Vatican. Il employait continuellement des auxiliaires qui avançaient le travail d’après ses propres dessins, et il revoyait toujours ce qu’ils avaient fait, se servant ainsi des meilleurs aides qu’il pouvait trouver pour se