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de l’autre côté, le pape[1] donnant les Décrétales. Raphaël y représenta le pape Jules II, ainsi que le cardinal Jean de Médicis, qui devint pape sous le nom de Léon X, le cardinal Antonio di Monte et le cardinal Alexandre Farnèse, élevé plus tard à la papauté sous le nom de Paul III.

Son talent prit alors un tel essor que, par ordre du pape, il peignit la deuxième chambre, du côté de la grande salle. À la même époque, il fit le portrait à l’huile du pape[2], d’une telle vérité qu’il faisait trembler, comme s’il était vivant ; on le voit aujourd’hui à Santa Maria del Popolo, avec un très beau tableau de la Nativité fait à la même époque. La Vierge couvre d’un voile l’Enfant Jésus, dont la beauté est telle, tant dans la tête que dans tous ses membres, qu’il montre être le vrai fils de Dieu[3]. La tête et le visage de la Vierge ne sont pas moins beaux, et respirent l’allégresse et la piété. Saint Joseph, les deux mains appuyées sur son bâton, contemple tout pensif le roi et la reine du ciel ; on ne montre ces deux peintures que les jours de fêtes solennelles.

Raphaël avait alors acquis cà Rome une grande renommée, et, bien qu’il eût une manière gracieuse que l’on trouvait très belle, bien qu’il eût vu et étudié sans cesse les antiques si nombreux de cette ville, il n’avait cependant pas encore donné à ses figures cette grandeur et cette majesté qu’il leur donna depuis. Il arriva dans ce temps que Michel-Ange fut forcé de fuir à Florence, après le tapage et la frayeur qu’il causa au pape dans la chapelle, et dont nous parlerons dans sa Vie. Bramante, qui avait la clef de la chapelle, la fit voir à Raphaël, en ami, afin qu’il pût comprendre les modes de peinture de Michel-Ange. Cette vue fut cause que Raphaël recommença aussitôt le prophète Isaïe[4], qu’il avait déjà terminé dans l’église Sant’Angostino, au-dessus de la sainte Anne d’Andrea Sansovino. Dans cette œuvre, ayant vu les peintures de Michel-Ange, il améliora et agrandit considérablement sa manière, à laquelle il donna plus de majesté. Aussi Michel-Ange, à son retour, en voyant l’ouvrage de son rival, pensa-t-il, et avec raison, que Bramante lui avait joué ce mauvais tour pour rendre service et augmenter la gloire de Raphaël.

Peu de temps après. Agostino Chigi, riche marchand siennois et ami de tous les hommes de mérite, confia la décoration d’une chapelle à Raphaël, et cela parce que celui-ci avait peint peu auparavant, dans

  1. Grégoire IX.
  2. Actuellement aux Offices.
  3. Madone de Lorette, original perdu.
  4. Existe encore ; fini en 1512.