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Ce travail terminé, Raphael retourna à Florence où les Dei, citoyens de cette ville, lui commandèrent, pour leur chapelle de l’église de Santo Spirito, un tableau d’autel qu’il commença et dont il avança beaucoup l’ébauche[1]. Il fit en même temps un autre tableau que l’on envoya à Sienne ; mais, Raphaël étant parti, il fut remis à Ridolfo Ghirlandaio, qui eut à terminer la draperie bleue de la Vierge[2]. Ce départ précipité fut causé par Bramante d’Urbin, qui était au service de Jules II, et qui écrivit à Raphaël, son compatriote et quelque peu son parent, qu’ayant parlé de lui au pape pour les peintures de certaines chambres, il pourrait y montrer tout son talent[3]. Cette proposition plut à Raphaël, en sorte qu’il abandonna tous ses travaux de Florence et laissa inachevé le tableau des Dei. Arrivé à Rome, il trouva qu’une grande partie des chambres du palais étaient déjà peintes ou en train de l’être par d’autres maîtres. Ainsi Pietro della Francesca avait achevé un sujet, Luca da Cortona une paroi, don Bartolommeo della Gatta, abbé de San Clemente d’Arezzo, avait commencé quelque chose, et Bramantino de Milan avait peint aussi quelques figures dont la plupart étaient des portraits d’après nature que l’on estimait beaucoup.

Raphaël, à son arrivée, ayant reçu du pape Jules force caresses, commença dans la chambre de la Signature[4] une fresque représentant l’accord de la Théologie avec la Philosophie et l’Astrologie. Tous les savants du monde sont reproduits, et argumentent entre eux. À l’écart, quelques astrologues ont tracé des figures de géomancie et d’astrologie sur des tablettes que des anges portent aux Évangélistes qui les expliquent. Entre eux, Diogene, avec son écuelle posée auprès de lui, est couché sur des degrés, figure remarquable par l’expression de sa pensée et le désordre de ses vêtements. Aristote et Platon, l’un avec le Timée en main, l’autre avec l’Éthique, sont là entourés d’une nombreuse école de philosophes. On ne saurait décrire la beauté de ces astrologues et de ces géomètres, qui dessinent avec des compas quantité de figures et de caractères sur des tablettes. Parmi eux, sous les traits d’un jeune homme, d’une beauté souveraine, qui ouvre les bras d’admiration et penche la tête, est représenté Frédéric II, duc de Mantoue, qui se trouvait alors à Rome ; celui qui est penché à terre

  1. Madone du Baldaquin, au palais Pitti.
  2. La belle Jardinière, au Musée du Louvre, signée : RAPHAELLO VRB. MDVIII. sur la bordure de la robe.
  3. Vers 1508.
  4. Sa première fresque est la Dispute du Saint-Sacrement. La description faite par Vasari d’une manière très confuse est un mélange de cette fresque et de celle de l’École d’Athènes.