et il se retira à Prato, où il bâtit l’église de Nostra Donna delle Carcere[1], toutes les constructions publiques et particulières étant suspendues à Florence. Il demeura trois années consécutives à Prato, en supportant le mieux qu’il put la gêne, l’ennui et la douleur.
Comme il était question ensuite de couvrir l’église della Madonna di Loreto et de terminer la coupole commencée et laissée inachevée par Giuliano da Majano[2], ceux qui en étaient chargés craignaient que les piliers ne fussent pas assez forts pour supporter un aussi grand poids ; on écrivit donc à Giuliano pour l’engager à venir examiner cette œuvre. Aussi ardent qu’habile, il démontra qu’on pouvait facilement voûter cette édifice, et qu’il suffisait de le vouloir, en sorte que l’œuvre lui fut confiée. Il activa ses travaux de Prato, et revint à Loreto, accompagné de ses maîtres maçons et de ses tailleurs de pierre. Pour donner plus de solidité et de cohésion à sa construction, il envoya chercher à Rome de la pouzzolane ; tout le mortier qu’il employa en fut mélangé, et l’on ne mura aucune pierre sans elle. Ainsi en trois ans, son œuvre fut entièrement terminée.
Il se rendit ensuite à Rome, où par l’ordre du pape Alexandre VI il répara la toiture de Sainte-Marie-Majeure, qui tombait en ruines, et y fit le plafond qu’on voit à présent. L’évêque della Rovere, ayant été créé cardinal de San Pietro in Vincola, se souvint de l’amitié qu’il portait à Giuliano, lorsqu’il était châtelain d’Ostie, et lui fit faire le modèle du palais de San Pietro in Vincola ; peu de temps après, voulant élever un autre palais à Savone, sa patrie[3], il désira qu’il fût fait sur le dessin et de la main de Giuliano. Ce voyage était difficile pour l’architecte, car son plafond de Sainte-Marie-Majeure n’était pas achevé et le pape Alexandre VI refusait de le laisser partir. Il le fit terminer par Antonio, son frère, qui s’attira l’affection du pape, et fut chargé par lui de transformer en une espèce de forteresse le môle d’Adrien que l’on nomme aujourd’hui le château Saint-Ange. Antonio l’établit dans sa forme actuelle ; son crédit près du pape et de son fils, le duc de Valentinois, s’en augmenta beaucoup, et bientôt après on lui confia la construction de la forteresse de Civita Castellana. Tant que le pape vécut, Antonio fut constamment occupé à des constructions, et fut toujours estimé et récompensé par lui.
Giuliano avait déjà avancé la construction du palais de Savone,