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TORRIGIANO
Sculpteur florentin, né en 1472, mort en 1528

Torrigiano[1], sculpteur florentin, montra plus d’orgueil que de talent, bien qu’il en eût beaucoup. Dans sa jeunesse, il fut du nombre des élèves que Laurent de Médicis faisait instruire à ses frais dans le jardin situé sur la place San Marco, à Florence ; ce magnifique citoyen avait rempli son jardin, la galerie et les salles de son palais de sculptures et de peintures antiques, aussi bien que des meilleures productions des plus grands maîtres qui fussent alors en Italie et au dehors. La réunion de toutes ces œuvres, outre qu’elle formait un magnifique ornement dans ce jardin, était comme une école et une académie pour les jeunes peintres et sculpteurs et aussi pour tous ceux qui s’occupaient de dessin, particulièrement les jeunes nobles. À la tête des jeunes gens se trouvait Bertoldo, vieux maître plein d’expérience, qui avait été à l’école de Donato ; outre l’enseignement, il était chargé de conserver les cartons, les dessins et les statues de Donato, de Pippo[2], Masaccio, Paolo Uccello, Fra Giovanni, Fra Filippo et tant d’autres maîtres. Tous ces antiques furent vendus à l’encan, lorsque, en 1494, Piero, fils de Laurent, fut banni de Florence. Mais on en rendit la plus grande partie, en 1512, au magnifique Giuliano, quand il fut rappelé dans sa patrie avec les autres Médicis ; ils sont conservés aujourd’hui dans la galerie du duc Cosme[3].

Parmi les artistes qui étudièrent le dessin dans ce jardin et qui devinrent des maîtres excellents, il y avait Michel-Ange, fils de Lodovico Buonarroti, Giovanni Francesco Granacci, Lorenzo di Credi, Giuliano Bugiardini, Baccio da Montelupo, Andrea Contucci dal Monte Sansovino et le Torrigiano. Orgueilleux et jaloux en même temps que robuste et courageux, il se plaisait à tourmenter ses camarades en paroles et en faits. Il s’occupait plus particulièrement de sculpture, mais, néanmoins, il modelait en terre avec beaucoup de fini et de style. Ne pouvant supporter qu’aucun autre le surpassât, il abîmait les ouvrages des autres, quand il voyait qu’il ne pouvait arriver à leur beauté, et, s’ils se fâchaient, il passait des paroles aux voies de fait. Il avait une haine particulière pour Michel-Ange, uniquement parce qu’il le voyait travailler avec ardeur et qu’il savait que Michel-Ange dessinait chez lui pendant la nuit et les jours de fête, en sorte qu’il réussissait mieux quand il

  1. Pietro da Antonio Torrigiani, né le 24 novembre 1472.
  2. Filippo Brunellesco.
  3. La plupart sont aux Offices.