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somme, toute autre chose, sont dans un style nouveau et composite, qui lui est dû, et néanmoins sont merveilleusement belles. Le même Michel-Ange en fit autant, et même plus, dans le deuxième ordre, de la cour du palais Farnèse, ainsi que dans la corniche qui soutient extérieurement le toit de ce palais. Qui veut voir combien dans ce mode de faire le génie de cet homme vraiment venu du ciel a montré d’art, de dessin et de variété, n’a qu’à regarder ce qu’il a fait dans la construction de Saint-Pierre, pour assembler le corps de cette bâtisse, et composer tant d’ornements variés et originaux, pour distribuer toutes ces corniches, ces niches si diverses, et tant d’autres choses, toutes inventées par lui, et différentes de la pratique des Anciens. Aussi ne peut-on nier que ce nouvel ordre composite, qui a reçu de Michel-Ange tant de perfection, ne puisse aller de pair avec les autres. En vérité, la bonté et le génie de cet homme, vraiment excellent sculpteur, peintre et architecte, ont fait des miracles partout où il a mis la main, outre d’autres choses claires et manifestes comme la lumière du soleil, telles que le fait d’avoir facilement rendu utilisables des sites incommodes, d’avoir amené à perfection quantité d’édifices et d’autres choses de formes défectueuses, couvrant d’ornements charmants et pleins d’originalité les défauts de l’art et de la nature. De nos jours, certains architectes communs, ne considérant pas ces choses avec un jugement droit, et ne les imitant pas, mais pleins de présomption et ne sachant pas dessiner, ont produit, comme au hasard, quantité d’œuvres monstrueuses, où l’on ne voit ni dessin, ni ornement, ni aucun ordre, et qui sont pires que les œuvres tudesques.

Pour revenir à ce mode de travail, l’usage s’est perdu de l’appeler soit composite, soit latin, soit italique. La bonne mesure de la hauteur de cette colonne est de dix têtes ; la base doit avoir la moitié de l’épaisseur, et être semblable à la base corinthienne, comme on le voit à Rome, dans l’arc de Titus Vespasien. Si l’on veut avoir une colonne cannelée, on peut la faire semblable à la colonne ionique, ou à la corinthienne, en suivant l’intention de l’architecte, qui se sert de ce mélange de tous les ordres. On peut faire les chapiteaux semblables aux corinthiens, sauf qu’il faut augmenter la cimaise, les volutes ou les feuilles, comme on le voit sur l’arc précité. L’architrave aura les trois quarts de l’épaisseur de la colonne, la frise aura des consoles, et la corniche sera semblable à l’architrave. Que la saillie la rende plus grande, comme on le voit dans le dernier ordre du Colisée, à Rome. Au-dessus des consoles susdites, on peut faire des canaux en guise de triglyphes, et d’autres sculptures, suivant l’idée de l’architecte. La