grand canal, de nombreuses maisons, le Ponte della Paglia, la place Saint-Marc, avec une longue procession d’hommes et de femmes qui suivent le clergé. On y voit égalemen des gens dans l’eau ou qui vont s’y jeter, quelques-uns à moitié immergés, d’autres dans différentes positions et attitudes remarquables. Finalement, il y représenta le frère gardien retrouvant la Croix. En vérité, dans cette œuvre[1], Gentile fit preuve d’une application et d’un travail extrêmes, si l’on considère l’infinité des figures, les nombreux portraits d’après les originaux, la diminution des figures qui sont dans le lointain et en particulier les portraits de presque tous ceux qui faisaient alors partie de cette école ou confrérie. Le dernier tableau, rempli de belles inventions, représente la Croix remise à sa place ; toutes ces peintures sur toile attirèrent à Gentile un grand renom.
Quelque temps après, Jacopo se sépara de ses fils dont chacun alla se livrer, de son côté, à ses études de l’art. Je ne ferai pas d’autre mention de Jacopo, parce que ses œuvres ne sont pas extraordinaires en comparaison de celles de ses fils et qu’il mourut peu de temps après leur séparation.
Bien que les deux frères se fussent séparés pour vivre chacun de leur côté, ils eurent toujours tant d’affection l’un pour l’autre et pour leur père, que chacun d’eux se faisait inférieur de mérite à l’autre et qu’ils cherchaient ainsi modestement à se vaincre en bonté et en courtoisie non moins qu’en talent.
Les premières productions de Giovanni furent plusieurs portraits d’après l’original, qui plurent beaucoup, particulièrement celui du doge Loredano[2], bien que plusieurs disent que ce fut celui de Giovanni Mozzenigo, frère de Piero, qui fut doge longtemps avant Loredano, et, dans l’église de San Giovanni[3], sur l’autel de sainte Catherine de Sienne, un immense tableau qui représente la Vierge assise, tenant l’Enfant Jésus entre divers saints et ayant à ses pieds trois enfants debout, qui chantent sur un livre. Au-dessus, il fit une voûte en enfoncement ; cette œuvre fut jugée des meilleures qu’on eût encore faites à Venise. Dans l’église San Giobbe, sur l’autel dédié à ce saint, il fit un tableau bien dessiné et d’un beau coloris qui a été
- ↑ Existe encore, à l’Académie de Venise, signée GENTILIS. BELLINVS. EQVES. FECIT. MCCCCC. L’autre est signée de même et datée 1496.
- ↑ Actuellement à la Galerie Nationale de Londres.
- ↑ San Giovanni e Paolo ; ce tableau fut détruit par l’incendie du 16 août 1867, qui détruisit également le Martyre de saint Pierre par Titien.