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l’architecture. C’étaient des blocs très solides, comme on le voit dans les colosses de Montecavallo, à Rome, dans la statue du Nil, au Belvédère, et dans toutes les statues les plus belles et les plus célèbres. On reconnaît qu’elles sont de facture grecque, outre la qualité du marbre, à la belle manière dont sont traitées les têtes, les chevelures, et en particulier les nez des figures qui sont carrés de la jonction des sourcils jusqu’aux narines. Ce marbre se travaille avec des outils ordinaires et avec des trépans. On lui donne le brillant à la pierre-ponce et au tripoli avec des cuirs et des tampons de paille.

Dans les montagnes de Carrare, à la Carfagnana, près des montagnes de Luni, on trouve quantité de sortes de marbres, des noirs, d’autres qui tirent sur le gris, d’autres qui sont mêlés de rouge, d’autres qui ont des veines grises et qui recouvrent, comme d’une croûte, des marbres blancs. Cette couleur provient de ce qu’ils ne sont pas purs, et que le temps, l’eau et la terre les altèrent. On extrait encore d’autres marbres qu’on appelle cipollins, saligni, campanini et mischiati. Le plus fréquent est un marbre très blanc et laiteux, qui est d’un bel aspect et parfait pour en tirer des statues. Il offre une grande solidité à l’extraction, et même de nos jours, on en a extrait des blocs de neuf brasses pour faire des colosses. D’un même bloc, on a pu de notre temps, en tirer deux. L’un est le David que sculpta Michel-Ange Buonarroti, et qui est à la porte du palais du duc de Florence. L’autre est le groupe d’Hercule et Cacus, dû à Bandinello et qui se trouve de l’autre côté de la même porte. Il y a peu de temps on a extrait un autre bloc de neuf brasses, dont Baccio Bandinello voulait tirer un Neptune pour la fontaine que le duc fait élever sur la place. Comme Bandinello est mort, le bloc a été donné à l’Ammanato, excellent sculpteur, qui doit en tirer également un Neptune[1]. De tous ces marbres, ceux qui proviennent des carrières dites del Polvaccio, qui sont dans le même endroit, n’offrent pas de taches ni d’yeux, pas plus que de ces nœuds et de ces noyaux qu’on rencontre d’ordinaire dans les blocs d’une certaine dimension, et qui donnent ainsi autant de peine à l’ouvrier que de laideur à l’œuvre, une fois qu’elle est terminée. On a pu également tirer des carrières de Serravezza, dans la région de Pietrasanta, des colonnes de la même hauteur, comme celles qui devaient orner la façade de San Lorenzo, à Florence, et dont une est couchée à peine ébauchée à la porte de l’église, tandis que d’autres sont ou à la carrière ou au port d’embarquement. Pour

  1. C’est le Neptune de la fontaine de Jean Bologne, sur la place de la Seigneurie.