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sente une Trinité, avec saint Gualbert à genoux et un autre saint. Il consacra beaucoup de temps à cette œuvre parce qu’il avait beaucoup de patience et qu’il voulait exécuter ses œuvres tout à son aise. Il était très soigneux et il s’efforçait d’imiter toutes les minuties que la nature, mère nourricière, sait produire. Sa manière était un peu sèche et nue, particulièrement dans les draperies. Il se plaisait à peindre les paysages d’après nature et tels qu’ils sont ; aussi voit-on toujours dans ses tableaux des fleuves, des ponts, des rochers, des herbes, des fruits, des routes, des champs, des villes, des châteaux[1].

À la Nunziata de Florence, dans la cour et derrière le mur où est représentée précisément la Nunziata, il peignit à fresque retouchée à sec la Nativité du Christ[2], faite avec tant de soin que l’on pourrait compter les brins de paille qui forment le toit de la cabane. Il reproduisit également une maison en ruines avec ses pierres couvertes de moisissures et consumées par la pluie et la glace ; une grosse racine de lierre recouvre une partie du mur et il y a lieu de considérer avec quelle longue patience il fit de couleur verte le droit de la feuille et d’un autre vert le revers, non pas autrement que fait la nature. Outre les bergers, il peignit un serpent qui glisse sur le mur très naturellement.

On dit qu’il se livra à de nombreuses recherches pour trouver le véritable procédé de la mosaïque et que, n’ayant jamais réussi comme il voulait, il eut le bonheur de rencontrer un Allemand qui allait à Rome en pèlerinage et qui lui apprit entièrement le procédé et la théorie de cet art, en reconnaissance de l’hospitalité qu’il lui avait offerte. Il se mit alors courageusement au travail, dans le temple de San Giovanni, au-dessus des portes de bronze, et y fit à l’intérieur, dans les arcs, quelques anges tenant la tête du Christ. Cet ouvrage fut cause que les consuls de l’Art des Marchands le chargèrent[3] de réparer et de nettoyer les mosaïques de la voûte qui avaient été exécutées comme nous l’avons dit, par Andrea Tafi, et qui avaient besoin de restaurations étant gâtées en beaucoup d’endroits. Alesso exécuta ce travail avec un soin extraordinaire et se servit d’un échafaudage construit par le Cecca, qui fut le meilleur architecte de ce temps[4]. Il enseigna l’art de la mosaïque à Domenico Ghirlandajo qui plaça, dans la chapelle des Tornabuoni, à Santa Maria

  1. Voir aux Offices ses deux tableaux [Madone et Annonciation], et une Trinité à l’Académie des Beaux-Arts.
  2. Presque effacée. Commandée le 27 mai 1460 par les frères della Nunziata pour 20 florins ; Alesso y travaillait encore en 1462.
  3. En 1482, pour 100 florins. Même travail en 1488. Il est nommé à vie conservateur de ces mosaïques avec une pension annuelle de 30 florins.
  4. Non essendovi uguale a lui, in simile cose [1482, livres des Consuls de l’Art] ;